François Daireaux
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Mais tout est dorénavant en place pour que le voyage soit une question sérieuse. Prenant acte du processus sans fin qu’induisent le départ et l’errance, François Daireaux reconnaît immédiatement dans le monde ce qui, à l’origine de son parcours, fonde sa propre démarche: la valeur ontologique du geste qui fabrique et donne naissance, sa répétition attentive et maîtrisée.
Véritable suture dans la fragmentation du déplacement, le geste traditionnel s’impose naturellement à l’oeil de l’arpenteur comme un point invariant rassurant. Au fil de ses errances, de pays en pays, l’artiste collectionne cette chorégraphie manuelle qui fonde la construction d’une culture dans une dimension rituelle à travers les âges. Depuis le tanneur jusqu’au mouleur de carreaux, en passant par le couturier ou le céramiste, une succession de travaux répétitifs sont collectionnés, à l’infini. Ils fonctionnent comme autant d’amarres possibles en terre inconnue. Le geste, sa répétition hypnotique, sa maîtrise infaillible, et surtout l’hypothèse de sa transmission par héritage, construisent un lien entre le travail d’atelier et la quête du nomade. Du Maroc à la Chine, l’Inde ou l’Algérie, François Daireaux reconnaît les fondements de la création dans ces manipulations hypnotiques et rituelles qui contrôlent la matière.
Porteur de toutes les mémoires, de toutes les histoires, de tous les langages, le geste traditionnel remplit la fonction de la couture dans le tissu d’une œuvre en mobilité constante. Il autorise une métamorphose essentielle, celle de l’inquiétude du marcheur en stabilité créatrice.