Nicolas Roggy
Substituts
Par Yves Brochard
Cette fois, Nicolas Roggy revenait du Musée du Louvre, il avait assisté à une conférence «Revenants. Images, figures et récits du retour des morts» suivie par la projection de La Charrette fantôme et nous avions longuement évoqué le transi de René de Chalon par Ligier Richier. Il y a, comme il le dit lui-même, des thèmes qui l’ont suivi: les vanités, le mysticisme, la mort et ses célébrations.
Baudelaire posait la question: «Et qui ne s’est nourri des choses du tombeau?» C’est parti des couleurs primaires, de la ligne. Une série de toiles aux formats modestes, les surfaces sont à la fois lisses et accidentées et il y a ces reflets, ces transparences, résultats d’une lente élaboration. Nicolas Roggy souhaitait ce caractère ambivalent «comme si toute la série avait été faite en une seule journée» mais dans le même temps que l’on sente ce long travail partant toujours du même principe de couches de couleurs, bleu, jaune, rouge: «pas une méthode, des méthodes différentes sur chaque toile parce qu’il y a un temps différent». C’est l’un des quelques artistes aujourd’hui à qui l’on a envie de poser des questions techniques: comment ces surfaces, ces couleurs, cette lumière?
A propos des collages, réalisés à partir d’anciennes planches de trames, briques, tuiles, Nicolas Roggy aime parler d’histoires et citer les instruments techniques posés dans les peintures de Holbein et puis très vite il reparle de cette couleur impossible des fonds. Le mot «instrument» revient régulièrement. Je me souviens d’une sculpture qui partait d’un piano et au Salon de Montrouge d’une sculpture peinte posée sur une structure construite à partir de pieds de chaise. Nicolas Roggy parlant de cette première exposition personnelle me demande: «Peut-on encore parler de la mise en scène du bleu- jaune-rouge et de la ligne comme instrument primaire et primitif»? L’accrochage dans la première salle définira une ambiance plus romantique, la seconde sera plus claire, plus «méthodique». Il y a dans cette œuvre l’idée de «visualiser un truc imperceptible».
La nouveauté avec cette génération d’artistes est qu’ils jouent très librement de ce que l’on a pu voir comme un conflit entre l’abstrait et le figuratif. Cette fois, on a envie de dire que Nicolas Roggy est plus du côté abstrait, il a revu et relu Kandinsky. Cette attitude plutôt non figurative qu’abstraite, pour l’époque, va parfois emprunter ses comparaisons à la musique, art abstrait par définition. La question est bien entendu celle d’une relecture, réévaluation de la peinture abstraite française (ou en France) d’après-guerre (Martin Barré, Shirley Jaffe, Hans Hartung).
Non pas que je veuille replacer à toute force le travail de Nicolas Roggy dans cette perspective (encore que, comment ne pas penser à certaines oeuvres de Vieira da Silva devant ses collages?) mais plutôt essayer d’écrire comment des artistes aujourd’hui, en dehors des querelles qui furent celles des générations précédentes puisent avec une belle modestie dans ce qui leur plaît « Une certaine attitude que je perçois comme française. (Ils) abordent le tableau comme quelque chose de préétabli, constitué de propriétés et d’attitudes connues et données. L’attitude américaine considère plutôt la peinture comme un territoire éternellement vierge, à renouveler constamment. C’est une attitude que j’exècre, cette idée de la page blanche que l’on peut continuellement renouveler et explorer».
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Elisa Fedeli sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
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