DESIGN | CRITIQUE

Studio Raw-Edges

PCéline Piettre
@08 Déc 2010

C’est à la Fat galerie que le très créatif Studio Raw-Edges fait désormais parler de lui, après avoir été nommé Designer du futur par Art Basel, en 2009. Leur nouvelle série Coiling défend un design innovant mais humain, à la fois fonctionnel et fictionnel. On est sous le charme...

La nouvelle série de meubles en feutre et silicone du Studio Raw-Edges, produite sur l’initiative de la Fat galerie et encore à l’état de prototypes, constelle l’espace de la rue Charlot de possibles fictionnels. Chaque siège ― des tabourets pour la plupart ―, chaque association de couleurs ― tous sont bicolores ―, chaque ligne ou relief aux circonvolutions incertaines, ouvrent un espace narratif, une surface de projection pour l’imaginaire. En manifeste: un tapis bleu aux contours irréguliers dont les entrelacs en ronde-bosse évoquent le flux et le reflux d’une mer domestique…

Issus du Royal College of Art de Londres, les deux designers du collectif, Yael Mer et Shay Alkalay, sont passés par un atelier de sculpture. On comprend mieux dans ce cas le soin apporté à la forme et aux volumes, construits ici à partir de l’enroulement systématique d’une bande de feutre sur elle-même. Consolidée par l’ajout de silicone, la spirale ainsi obtenue sert d’assise et de fondations au meuble tout en lui dessinant une topographie propre: coquille, éventail, accordéon, terrasses, strates, corolles, vagues… Les objets de la série Coiling, tous fabriqués selon une même logique structurelle, parviennent à cultiver leurs différences au sein de l’identique.

Ces formes rondes et enveloppantes associées à la douceur du feutre dégagent une impression de confort et de protection. Les sièges semblent être à l’écoute du corps, prêts à s’adapter à sa physionomie. Avec son assise double pour «grosses fesses», le fauteuil Big Fat Ass taquine gentiment nos complexes et affirme la dimension ludique du mobilier. Flexible, colorée ― de l’orange vif aux verts tendres ―, la série joue également sur les textures, tantôt mates quand le feutre est laissé au naturel, tantôt brillantes avec son glaçage en silicone.

En contrepoint, les pieds et piètements, constitués d’un assemblage de bois sommaire, contrastent par leur géométrie, leur raideur et leur sobriété avec l’ensemble. Une touche moderniste qui créée autant de paradoxes et d’ambiguïtés, d’histoires parallèles.

Avec le Studio Raw-Edges, on est bien loin d’un certain design industriel tiré au cordeau, irréprochable dans ses finitions et sa technologie. Et c’est ce qu’on apprécie justement. Ici, l’innovation, bien que très aboutie, a un aspect expérimental. Elle n’exclue ni le précaire, ni le déséquilibre, ni l’instabilité, dans une sorte de nostalgie du fait-main. La table basse paraît se déformer sous son propre poids, comme un corps ; les tabourets tanguent légèrement sous la pression de leur hôte… Le meuble est vivant. Les cercles concentriques formés par le feutre, à l’image des cernes des arbres, inscrivent métaphoriquement l’objet dans une durée.

A peine née, la série Coiling a une longue vie devant elle. Work in progress à quatre mains ― Yael Mer et Shay Alkalay d’un côté, les galeristes Severine Van Wersch et Aurelia Lanson de l’autre ―, elle va s’inventer et se réinventer dans les mois qui viennent. Sont prévues des éditions en plus grand nombres pour des prix à la baisse… On attend donc la suite avec impatience.

Studio Raw-Edges
— Vues d’exposition, collection Coiling, 2010. Feutre, silicone. Edition Fat galerie.

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