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Studio / Location Photographs

PNicolas Villodre
@28 Nov 2008

Dans des lieux si possible désaffectées, inhabitées, désertées, démeublées, posent des personnages fatigués, va-nu-pieds, vite attifés, décoiffés, non maquillés, suintants de désolation, assoupis, somnolents.

La galerie Zürcher présente une série d’œuvres photographiques récentes de Sarah Dobai ainsi qu’un film tourné en 16 mm couleur qui est projeté en DVD.

Le réflexe, sinon la réflexion, de nombreux photographes prend de nos jours comme point de départ les idées émises par Walter Benjamin dans les années vingt. Mais, au lieu de traiter de la question de la reproductibilité du médium, problème quelque peu dépassé par le numérique et tout ce qui s’ensuit, Sarah Dobai s’intéresse au thème des «passages».

Non pas aux passages romantiques qui ont tant inspiré Baudelaire, à ceux qui ont invité à la «dérive» l’Aragon du Paysan de Paris, Breton, Benjamin ou Debord. Sous Haussmann, les rues parisiennes, ainsi que le rappelle Jean-Michel Palmier dans son ouvrage sur Walter Benjamin, deviennent des intérieurs et permettent de «saisir la naissance de la modernité», «la concrétude d’une époque», le «fétichisme de la marchandise» et les énergies révolutionnaires du suranné» chères au Surréalisme.

Aux «galeries marchandes», si possible désaffectées, inhabitées, désertées, démeublées, dégarnies, empoussiérées, abandonnées, dépréciées, inutiles, insensées, vaines. Aux sous-sols cafardeux. Aux halls sépulcraux, aux issues et escaliers de secours, aux parkings souterrains suggérés plus que véritablement reconstitués par l’artiste à l’aide de quelques cloisons en placoplâtre. Aux quelques personnages hantant ces lieux, fatigués, va-nu-pieds, vite attifés, décoiffés, non maquillés, suintants de désolation, fixant vaguement l’appareil, vivotant, assoupis, somnolents.

Sarah Dobai cherche à faire dans le «fictionnel», dans le narratif, le représentatif. Ses héros sont des modèles «vierges», au sens bressonnien du terme, donc eux aussi, un peu à l’ancienne, comme au temps jadis de Daguerre, des panoramas et des avant-guerres.

Quelques comparses plus vrais que nature se détachent des décors déprimés reprenant la structure de ces architectures intérieures dans le studio de la photographe. Ni flâneurs, ni dandys, ni prostituées. Un jeune Asiatique allongé au sol, la tête calée contre un mur en ciment. Une fillette brune assise, adossée à une paroi, regard caméra. Une jeune femme debout, bras croisés, vêtue d’une minijupe dorée, fixant le spectateur.

Ces mises en scène font la part belle aux modèles, lesquels ont fait l’objet d’une sélection rigoureuse ou, comme on dit dans le milieu du cinéma et de la mode, d’un travail de «casting». Elles rappellent celles de l’intendant Louis Dodier, l’ancêtre de Cindy Sherman et de Pierrick Sorin, que photographiait Adolphe Humbert de Molard au milieu du XIXe siècle et que l’on a récemment pu admirer au musée d’Orsay.

Les tirages en couleur sont livrés dans des formats raisonnables, ni miniatures ni agrandissement démesurés. Ils se présentent et fonctionnent en diptyques. D’un côté, le «modèle» de la photographe, le référent, ce qui l’a déclenchée, de l’autre le cliché «avec modèle», d’autant plus stylisé que Sarah Dobai a disposé de tout son temps et de tous ses moyens, techniques et artistiques.
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Sarah Dobai

— First Pillar, 2008. Colour print. 70 x 56,5 cm.

— Emily (Pillar), 2008. Colour print. 70 x 56,5 cm.

— Keiji (Lying Down), 2008. Colour print. 56,5 x 70 cm.

— Perfume Window, 2008. Colour print. 56,5 x 70 cm.

— Nettlecombe, 2007, Film 16 mm (loop). Produit par Film London, avec le concours de Chelsea Research.

— Red Corner, 2008. Colour print. 56,5 x 70 cm.

— Harvey (Corner), 2008. Colour print. 56,5 x 70 cm.
— Emily (Corridor), 2008. Colour print. 56,5 x 70 cm. — Yellow Corridor, 2008. Colour print. 56,5 x 70 cm.

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