Kate Ericson, Mel Ziegler
Sticks and Stones May Break My Bones
Dès la fin des années 70, Kate Ericson et Mel Ziegler ont développé hors de la sphère new-yorkaise, une démarche artistique singulière proche de l’art conceptuel et du Land art. Le couple d’artistes réalisait des interventions à travers les Etats-Unis impliquant directement les habitants et empruntant des iconographies locales et nationales américaines. Leurs Å“uvres, souvent sculpturales, sont le fruit de ces interventions.
Après le décès de Kate Ericson, Mel Ziegler poursuit une pratique artistique qui reste attachée aux préoccupations et aux stratégies établies lors de leur collaboration, mais dont le formalisme et la méthodologie se sont assouplis au fil du temps. Un certain côté artisanal, un nouveau degré d’humour et de découvertes apparaissent alors dans ses œuvres.
Dans la première salle de la galerie, l’origine de sa pratique artistique avec Kate Ericson et une sensibilité peut-être plus sereine ressortent comme une évidence avec Rock Hard Individualism (2010). On voit tout d’abord une carte des Etats-Unis composée de diverses pierres trouvées par l’artiste. En regardant de plus près, on devine que chaque pierre peut évoquer un visage. Mel Ziegler, qui a un faible pour ces visages de pierre ramassés au hasard, s’accorde une pointe d’ironie et de malice dans sa maturité: individuellement, chaque pierre n’évoque pas forcément un visage pour tous ceux qui la regarde. Pourtant, ainsi rassemblées, on ne peut résister à leur deviner des expressions.
Plus loin, sur un autre mur, sont agencées des dizaines de fusils aux couleurs vives, des jouets de fortune confectionnés par les enfants de l’artiste. Face au refus parental de leur acheter des armes factices pour des raisons morales, les enfants ont façonné leurs propres jouets en carton, scotch et papier, s’inspirant d’images trouvées sur Internet. Tout comme Rock Hard Individualism, cette œuvre joue avec l’esprit des précédents projets collaboratifs du couple, autant qu’il ne le déjoue, remplaçant avec ironie les populations locales ayant participé aux œuvres telles Give and Take (1986), Loaded Text (1988) ou Camouflaged History (1991) par les membres de sa propre famille.
La famille, sa relation à la société, à la nation et à la politique est un thème dont est imprégnée l’œuvre Carry a Big Stick (2015) — mais toujours avec une dose de légèreté. Le titre de l’œuvre fait référence à la citation du président Theodore Roosevelt à propos de sa politique étrangère: «Speak softly and carry a big stick» (Une main de fer dans un gant de velours). Des caisses de munitions anciennes, dont l’intérieur a été doublé de velours pourpre, sont remplies de bâtons ramassés ces cinq dernières années par l’artiste pour jouer avec son chien. Ce Pitt Bull américain nommé Sister, avec qui Mel Ziegler joue parfois devant le Capitole à Washington, est un animal doux et affectueux, tout aussi inoffensif que les morceaux de bois disposés dans ces caisses de munitions à la doublure luxueuse.
L’exposition présente également deux nouvelles variations de la série «Stuffed» (2003), un projet in situ installé dans Vienne, en Autriche, lors de l’exposition personnelle de Mel Ziegler au palais de la Sécession. «Stuffed» part du constat que les vitrines des musées, notamment à Vienne, sont des éléments constitutifs de la manière de présenter non seulement l’art, mais aussi les biens de consommation de luxe, vendus dans le célèbre quartier commerçant de la ville. S’emparant d’une cinquantaine de vitrines dans les réserves de musées, Mel Ziegler les a réintroduites dans la ville, remplies de paille. Il détourne l’attention de l’observateur des objets normalement exposés à l’intérieur vers la vitrine elle-même, ainsi que le rôle qu’elle joue dans la création d’une sorte de «vernis d’exposition».
Enfin, l’exposition présente plusieurs photographies de la série «An American Conversation» (2013). Après la vague de sécheresse historique qui a frappé les campagnes du Midwest des Etats-Unis en 2012, Mel Ziegler voyage dans cette région équipé de projecteurs fixés sur une remorque. Il capture ainsi la beauté souvent singulière et changeante des champs pendant la nuit.
Mel Ziegler est né en 1956 en Pennsylvanie et vit actuellement à Nashville. Kate Ericson, née en 1955 à New York, est décédée d’un cancer du cerveau en 1995.
Vernissage
Samedi 18 avril 2015 Ã 16h