Au rez-de-chaussée, 6 x 25 photographies juxtaposées tapissent la totalité d’un mur. Cent cinquante fois la même image, du sol au plafond, celle d’un homme, noir (l’artiste sans doute), debout et entravé d’acier de la tête aux pieds, qui défie du regard le spectateur.
Le sous-sol est plongé dans une obscurité totale et grondante, transpercée de scintillements mouvants, qui se démultiplient sur des parois réfléchissantes, entre explosions cosmiques et feux d’artifice, coups de tonnerre et claquements secs d’armes à feu.
Au fond, dans la cave voûtée, le bruit familier d’un projecteur reprend le dessus. Dans un petit cadre rougeâtre, la caméra voyage à fleur de peau, qui ne fait plus qu’une avec la surface sensible et l’écran. Un œil, celui de Charlotte Rampling, pointe alors, éclaire le tableau. Intrusif, le bout d’un doigt, gros et noir (celui de l’artiste), la touche délicatement, comme pour s’assurer de la réalité de cette chair (de star). Les paupières tombantes, la peau molle et fripée, peinent à reprendre place. Plus agressif soudain, le doigt touche l’iris.
Suspendu (dans une poursuite sans objet), bégayant (dans l’attente d’une libération), implacable (dans son passage), le temps fait œuvre chez Steve McQueen. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, cet artiste britannique fend la matière cinématographique pour mieux l’ouvrir et l’exposer. Et l’effet de retour, que produisent ici ses installations-attractions, sur les origines foraines du cinéma, interroge, sans ménagement, le regard et la place du spectateur, dans cette machine sensible, riche de ses fantômes, mais délibérément vidée de toute prétention narrative.
Steve McQueen
– Portrait As An Escapologist, 2006.
– Pursuit, 2005. Installation.
– Charlotte, 2004. Film 16 mm en boucle.