Steve McQueen
Steve McQueen
La dernière installation filmique de Steve McQueen, Ashes, est une Å“uvre immersive constituée de deux films projetés simultanément de part et d’autre d’un même écran suspendu. C’est tout d’abord le portrait d’Ashes, un jeune homme originaire, comme la famille de l’artiste, de l’île de la Grenade. Souriant et espiègle, jouant avec l’objectif de la caméra, Ashes se tient à la proue d’un bateau au large de la mer des Caraïbes.
Les séquences datent du tournage d’une autre œuvre de Steve McQueen intitulée Caribs’ Leap (2002). Saisies sur le vif et tournées en Super 8 par le chef opérateur Robby Müller, ces images illustrent la composante documentaire du travail de McQueen. La critique Jean Fisher souligne que «la caméra à l’épaule comme partie intégrante du projet, la transgression des frontières entre l’imaginaire et le réel, entre l’espace du film et celui du spectateur, les interruptions dans la continuité narrative (…)» marquent une affinité avec le cinéma-vérité. (Jean Fisher, Intimations of the Real: On Western Deep and Caribs’ Leap, in Caribs’ Leap/ Western Deep, Steve McQueen, 2002.)
L’insouciance et l’apparente liberté d’Ashes contrastent avec le contenu du second film visible de l’autre côté de l’écran réalisé huit ans plus tard dans un cimetière de la Grenade, loin des images de carte postale de l’île caribéenne. «La vie et la mort se sont toujours côtoyées, dans tous les aspects de la vie» dit Steve McQueen. «Nous vivons quotidiennement avec des fantômes.»
L’intensité de la pièce réside dans l’antagonisme des deux projections (vie et mort, espace infini et espace clos) associé à une voix hors champ. Steve McQueen utilise le mode du monologue pour tisser les fils d’un récit absent des images. Par le biais de ce dispositif le témoignage oral des amis d’Ashes fait de chaque spectateur un témoin du drame.
Pour Jean Fisher, les installations filmiques de Steve McQueen s’apparentent à des hétérotopies: ces lieux conceptualisés par Michel Foucault qui, par opposition aux utopies, sont à la fois réels et détachés des autres lieux, ayant le pouvoir de juxtaposer plusieurs espaces en eux-mêmes incompatibles. «Les hétérotopies de Steve McQueen nous transportent dans un lieu dérangeant, révélant la nécessité de penser une manière de réimaginer et réhabiter le monde avec une plus grande sensibilité (…).» (Jean Fisher, On the Space and Place in the Recent Work of Steve McQueen, in Steve McQueen Works, Schaulager, Laurenz Foundation, 2012.)
L’œuvre Broken Column, deux sculptures en granit noir formellement identiques mais dont l’échelle diffère, évoque un monument commémoratif ou une stèle funéraire, à la différence près que les monolithes ne portent aucun décor sculpté, aucune inscription, mais sont intentionnellement brisées en leurs parties supérieures.
Le nouveau projet de Steve McQueen également exposé ici consiste en une installation murale composée de plusieurs dizaines de néons bleu foncé représentant chacun une forme manuscrite unique de la phrase «Remember Me».
Né à Londres en 1969, Steve McQueen rapporte: «J’ai découvert la réalisation, et je me suis dit: «ça y est, c’est ça!», ce fut un instant «Euréka». J’avais 19 ans.» En 1993, alors qu’il termine sa formation à l’Université Goldsmiths de Londres, il présente sa première vidéo, Bear au Royal College of Art de Londres. Ce premier film dévoile déjà certains des thèmes que l’artiste ne cessera d’explorer dans les années 1990 comme le rapport du corps à l’espace. Son travail est récompensé par le Turner Prize en 1999. Internationalement connu en tant que cinéaste, il a réalisé trois longs métrages: Hunger (2008), Shame (2011) et 12 Years a Slave (2014).
Vernissage
Samedi 9 janvier 2016 Ã 18h