Avec beaucoup de finesse, Steve Galloway dépeint des visions surréalistes qui tour à tour paraissent comiques, menaçantes et absurdes. Il se produit un déséquilibre permanent qui caractérise ce monde prêt à céder sous le poids de sa propre absurdité.
Des paysages fantasmés qui rappellent ceux des Pays des Merveilles d’Alice ou des étendues désertiques de La Guerre des Étoiles deviennent décors pour des manifestations du bizarre. Bus Stop Jig (La Gigue de l’arrêt de bus) est la représentation typique d’une de ces scènes qui ne manquent pas de laisser le spectateur perplexe, face à une énigme impossible à résoudre. Un coq aux yeux bandés et un squelette dansent au son d’un violon pendant qu’un singe sommeille sur le banc d’un arrêt d’autobus.
Dans le même genre, River Boss mélange humour, effroi et incompréhension: une pieuvre géante aux allures de bureaucrate légifère les baignades de sa rivière et s’en prend violemment à un homme qui en toute apparence a omis de payer l’abonnement obligatoire.
Le réel et sa signification sont détournés via l’absurde, invitant le spectateur à s’interroger sur le message de l’artiste tout en le renvoyant à des symboles et des images qui dans leur combinaison se défont de leur sens habituel. Des éléments issus de la culture populaire américaine croisent les influences des grands peintres européens. Il en résulte des rencontres entre des coyotes, des machines à laver et des moulins à vent rendant hommage à Mondrian (Mondrian’s Mill). On ressent également l’héritage de René Magritte, notamment à travers les œuvres To Sea (Expédition) et Swamp (Marécage) qui produisent un décalage entre l’objet et sa représentation.
Tout comme l’œuvre de Steve Galloway, celle de Michael C. McMillen se nourrit de la complexité de la mégalopole qu’est Los Angeles, de sa culture populaire, son imagerie spécifique, son héritage artistique et ses usines à rêve comme Hollywood ou Disneyland. Lorsque l’on aborde ses peintures sur émail ou ses constructions à base de panneaux en bois et d’autres ustensiles des plus variés, des images surgissent à l’improviste: des plaines désertiques, des grosses cylindrées, des personnages de road movies, Mickey Mouse et des fast food comme on n’en voit qu’aux États-Unis.
Malgré un sérieux sentiment de déjà vu, on apprécie pleinement l’harmonie des couleurs et des formes que l’artiste ne choisit jamais au hasard, toujours après une longue réflexion.
Grâce à ses juxtapositions, Michael C. McMillen produit régulièrement des surprises visuelles basées sur des noms et des symboles d’une grande force évocatrice. Picasso With Logo en est un exemple éloquent: sur un vieux panneau de bois, le nom de Picasso jouxte le marteau et la faucille symboliques de l’ex-URSS.
Le spectateur mesure la portée de ses deux éléments sans pour autant saisir la pertinence de ce rapprochement. L’œuvre apparaît dès lors comme une énigme. Il en est de même de Le Rêve «La Mouche mange le chat», un livre rouge scellé et donc impossible à lire malgré les démangeaisons de la curiosité exacerbée par un titre mystérieux. Le monde tel que le représente Michael C. McMillen devient une illusion, un jeu d’apparences comme dans les shows chers aux Américains.
Traducciòn española : Maïté Diaz
English translation : Nicola Taylor
Steve Galloway
— L’œil Moderne, 2006. Huile sur toile. 76,2 x 91,4 cm.
— After and Before (Après et Avant), 2006. Pastel sur papier. 27,9 x 35,6 cm.
— River Boss, 2004. Huile sur toile. 61 x 76 cm.
— The Thing (la Chose), 2005. Huile sur toile. 122 x 213,4 cm.
Michael C. McMillen
— Picasso with Logo, 2006. Huile sur panneau en bois. 51,4 x 55,9 cm.
— Emissary, 2006. Émail sur métal. 73 x 104 cm.