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Stereo Notes

05 Juin - 17 Juil 2010
Vernissage le 05 Juin 2010

L'exposition du travail graphique de Kyle Field et Yaya Herman Dune met en lumière les relations étroites qui existent entre la musique, l'écriture et le dessin.

Communiqué de presse
Kyle Field, Herman Dune
Stereo Notes

On connaissait leur complicité musicale, chaque fois que l’on a écouté Kyle Field à Paris, il était accompagné par David Ivar. Pour Little Wings ou Herman Dune, cela fonctionne plutôt comme une constellation au fil des voyages, des rencontres, parfois ça se fixe et puis ça bouge. Essayer un peu de mettre des noms derrière ces deux groupes, c’est peut-être un premier signe aussi de modestie et surtout de souligner l’essentiel.

D’où est venue cette volonté de nous troubler ? De la musique ? De la pratique collective face à l’individualisme du monde de l’art ? Kyle Field, dans les signatures de ses dessins, a souvent joué avec les homonymes: Kaisle Feeled, Kaysle Finn… Enfin si Herman Dune est désormais le nom de l’aventure musicale de David Ivar, ses projets artistiques se placeront sous le nom de Yaya.

Si l’on admet que dans l’histoire de l’art, la pratique musicale a joué un rôle important dans bon nombre d’oeuvres, force est aussi de constater que ça ne se théorise pas: «De plus en plus s’imposent à moi des parallèles entre la musique et l’art plastique. Et cependant je n’arrive point à les analyser» (Paul Klee, Journal, Éditions Grasset & Fasquelle, 1959). Cela veut dire que ces liens existent bel et bien dans leur travail plastique mais où ?

Souvent cela a commencé par les illustrations des disques, des posters. A la question: «Y a-t-il une relation entre votre pratique artistique et votre musique ? Kyle Field répond «je ne crois pas qu’il y ait une relation…» et poursuit comme pour nous plonger dans le doute: «Faire un dessin m’inspire pour écrire une chanson tout le temps, je vais et viens entre toutes les pratiques…»

La réponse de Yaya Herman Dune à la même question paraît plus simple mais on sent que ça peut se compliquer tout aussi vite: «Mes dessins partent toujours d’un désir d’illustrer une idée, une émotion… C’est aussi comme cela lorsque j’écris une chanson. J’aime dessiner des illustrations pour mes chansons et parfois, j’atteins un point où le dessin vit seul, quand tu n’as plus besoin d’écouter la chanson. C’est ainsi que je commence à dessiner pour une exposition, quand je sais que le dessin est assez fort pour vivre par lui-même».

Je retiens, pour ma part, une série de pistes: d’abord leur amour de l’improvisation, le plaisir des rencontres provoquées. Aujourd’hui, ils sont là pour leur oeuvre plastique et c’est bien nos yeux qui sont invités. Deux oeuvres distinctes avec des univers, des techniques, des gestes différents mais ils ont choisi de faire non deux expositions côte à côte mais une exposition commune et j’ai envie de souligner deux pistes où ils se rejoignent: le rôle de l’écriture dans leurs dessins et l’idée du journal.

«Encore une fois, le dessin est pour moi assez proche de l’écriture, j’aime manipuler le pinceau et l’encre de Chine qui imposent un geste de la main et du poignet très précis, comme lorsque je manie la plume pour écrire». Que ce soit chez Yaya Herman Dune ou chez Kyle Field, les mots opèrent sur plusieurs niveaux. On a envie de dire que tout part du carnet, celui que l’artiste a constamment dans sa poche et dans lequel il peut noter, dessiner ou les deux à la fois.

A la question du statut des mots dans ses oeuvres, Kyle Field répond «c’est de la poésie» et vous pouvez passer un long (et réjouissant) moment à dechiffrer tous les jeux avec les mots (jusqu’ aux titres) dans l’oeuvre de l’artiste californien. Dans les dessins de Yaya Herman Dune, les caractères d’écriture hébraïques ont remplacé au fur et à mesure les textes rédigés en anglais: «J’aime que l’hébreu ne se comprenne pas tout de suite et donne naissance à de multiples sens…»

Ce n’est pas un simple «truc» graphique, plusieurs dessins sont inspirés par la lecture de la torah ou encore de la tradition des cinq shekels. Il y a un prédecesseur célèbre dans ce retour à la culture hébraïque: Wallace Berman, figure légendaire du mouvement beat enCalifornie, figure mythique disparue trop tôt et qui, au milieu de la communauté artistique a réintroduit dès les années 60 la référence à la kabbale. «Ils sont vraiment comme des journeaux…» avait répondu Kyle Field à la question d’une définition de ses dessins et de sa musique: reflexions personnelles sur les pensées, les sentiments.

On ne compte pas dans son oeuvre le nombre de dessins qui ont trait à la rencontre des êtres. Yaya Herman Dune insiste sur le sentiment de «vision», c’est ainsi qu’il a fait connaissance et intégré à sa famille le «Blue Bigfoot». On le retrouvera, gonflable, fixé sur le toit d’un Waffle House mais aussi comme marque du rachat des premiers-nés par Israël, du pop à la rédemption. L’occasion est trop belle, en ce mois de reédition, sous sa forme originale de rouleau, du manuscrit de Jack Kerouac «On the Road» pour ne pas rappeller que chez le romancier américain le mot «beat» renvoyait à «béatitude».

Le critique analyse et arrive le moment où il a le privilège, avant les visiteurs, de déballer et découvrir les oeuvres… Que reste t’il alors devant les deux grandes enveloppes envoyées par Kyle Field de Californie ou devant les dessins de Yaya Herman Dune sortis de la remise parisienne ? Sur le moment, assez peu puisque les oeuvres opèrent leur grand travail de remise en question…

Des enveloppes sortent des dessins construits de chaque côté d’un axe central et des formes occupées par un travail graphique d’une précision et d’une finesse inouïes, alors surgissent encore d’autres questions sur l’unité de l’oeuvre de l’artiste californien, mais à l’interieur de cette unité des différences énormes et cette fois il y en a deux visibles immédiatement, d’abord des motifs qui génèrent des oeuvres pour ainsi dire optiques: «Le sujet ou l’objet est tissé dans l’abstraction et caché en quelque sorte» et puis une nouvelle gamme chromatique, un rose, un violet nouveaux sont très présents. Il y a plusieurs séries dans les oeuvres de Yaya Herman Dune sorties de la remise: «5 shekels», «345», «9 songs by Little Wings», le Blue Bigfoot qui revient en famille… Et surtout sentir ce plaisir sensuel du contact de la gouache bleue et de l’encre de Chine noire avec le papier.

La musique, on peut l’écouter seul mais elle est surtout faite pour être partagée. S’il y a une réponse à notre question introductive c’est bien celle-là. En musique, en dessin, Kyle Field et Yaya Herman Dune ont défini des univers complexes et riches, leurs expositions et concerts sont des invitations à une forme de partage. Yves Brochard

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