Stéphane Calais ou la diversité des styles… Avec le dessin pour fil rouge, il varie les techniques : dessins sur papiers, dessins muraux, objets et installations.
Jouant avec les lieux, les situations ou le mots, il opère une transcription du réel parcourue de références explicites au design, aux comics et à la tradition des affichistes. Le sens n’est jamais donné de manière immédiate mais le titre de l’œuvre est capital, il ouvre à de multiples interprétations.
Calais fait du dessin son langage, première étape d’expression de ses idées, avec un impératif d’inscription dans un lieu et une temporalité. Transposant dans un registre plastique une idée, une histoire ou un concept, il fait de la citation son matériau de base. Les couleurs sont plutôt franches et l’évocation de répertoires familiers, comme ceux du conte, de la bande dessinée ou de la parabole, sont légion.
L’hybridation des moyens est flagrante. Comme lorsque l’on pénètre dans la salle du rez-de-chaussée de la galerie Nelson, où il fait dialoguer trois oeuvres de registre différent. Un énorme abat-jour en forme de chapeau en osier est pendu à quelques dizaines de centimètres du sol. Sur une étagère, sont posés cinq petits dessins à l’encre et gouache sur papier composant une sorte de petite saynète humoristique et dérisoire illustrant le vide et la vanité. Surplombant le tout, un squelette de tête de girafe est posé sur un socle de bois.
D’emblée, le visiteur est déstabilisé par deux choses : la diversité des styles en présence et la mise à distance des échelles de valeur, avec une lampe surdimensionnée et une tête de girafe à hauteur d’homme. Et que penser de ces petits dessins que l’on croirait sortis tout droit d’un comics confrontés à ces deux œuvres imposantes relevant du style le plus établi en art contemporain : l’installation ?
A l’étage, le choc des couleurs est immédiat. De grands morceaux de moquette aux formes géométriques rouge, bleu, mauve et noir forment une composition abstraite et imposante. Les formes découpées restent souples et molles, s’ouvrant sur le blanc du mur. Un château en Espagne joue sur les perspectives et symbolise des rêves qui n’aboutiront jamais, dont la seule ouverture est barrée par un mur.
Comme un satellite, contrastant avec l’ampleur de cette installation, Le Mariage de la carpe et du lapin paraît anecdotique. Par la réunion d’un ballon de basket, de lanières en plastique et d’un abat-jour en verre, Calais retranscrit en image une expression qui souligne un accord improbable entre deux personnes.
La jeune N. nous fait réintégrer le registre de la légèreté. Une œuvre de la série des « Lierres » qui décline, sous la forme de collages papier à l’aspect végétal, des hommages à des femmes que l’artiste a connues et aimées. Sur un fond de papier coloré, dans les teintes mauves, deux petits collages à base de papier découpé et de fil de fer circulent, comme un lierre qui remonterait le long d’une façade.
Dans la salle d’à côté, le dessin figuratif revient en force. Huit affiches déclinent un même visuel — le portrait du Général Ludd — commémorant une date anniversaire variant selon les époques. On peut y voir une référence à Andy Warhol et à ses portraits en série, mais aussi une grande dose d’ironie lorsque l’on sait que le Général Ludd était un opposant à l’industrialisation au XVIIIe siècle. Pourtant, Calais redessine à chaque fois le portrait à l’encre noire et utilise aquarelle, gouache ou acrylique pour le transformer et l’habiller d’un style : façon début de siècle, à la Lautrec, ou bien billet vert made in USA ou encore à la manière du graffiti.
Autre facette du travail de Calais, les dessins muraux. Le Fantôme glisse sur un coin de mur pour se révéler dans son entièreté par le reflet de l’image dans le fenêtre toute proche. Il évoque la disparition, l’éphémère.
Même jeu sur les concepts et les représentations dans L’Ambassade de France / Versailles sit-com. Mais cette fois le ton est joyeux et détonnant, il faut évoquer — toujours avec un brin d’ironie — un lieu mythique du pouvoir et de l’argent. Ludique, cette installation combine deux panneaux de bois peint, l’un est posé sur le sol et représente de manière synthétique un bassin de fontaine, l’autre repose contre un mur à la verticale et rappelle la fête, en évoquant les losanges colorés des costumes de la Comedia dell’arte. S’y ajoutent deux peintures acrylique portraiturant de manière allusive Le Cardinal et Le Petit Marquis. Pour faire le lien entre ces éléments, quelques peintures murales en arabesques colorées habillent les murs, allusion aux ferronneries.
Le parcours de l’exposition est contrasté, en constant déséquilibre entre pictural et sculptural. Faisant de l’acte de dessiner l’essence de sa proposition artistique, Stéphane Calais conçoit son œuvre dans le rassemblement et l’agencement des pièces. En somme, il faudrait voir l’ensemble de son travail comme un vaste puzzle, où chaque pièce résonne avec ses voisines et crée un ensemble qui les dépasse. C’est l’œuvre dans toute sa potentialité, fragile et pourtant si forte lorsqu’elle résiste à l’interprétation univoque.