«Le carnaval battait son plein à Salvador de Bahia. Je décidais de me réfugier dans les lieux saints, calmes et inspirants, que m’offrait la ville. C’est là , au cœur des églises et musées d’art sacré, que je réalisais combien la figure du Christ était prégnante et incontournable dans ce pays qui chaque jour me bouleversait davantage.»
Alors que l’euphorie s’est emparée de la ville, François Fontaine se réfugie dans des lieux de contemplation et de recueillement, là où s’expriment l’art populaire et la ferveur religieuse. La rencontre avec les figures christiques de la ville est troublante. A Salvador de Bahia, la foi comme les émotions sont exacerbées. Le photographe scrute le corps des christs, son travail révèle la beauté tragique et majestueuse qui se dégage de ces icônes en bois, en plâtre, en ivoire, en argent et en or sculptés par de grands artistes, originaires du Portugal ou d’ailleurs, libres ou esclaves.
Les grands formats de François Fontaine présentent le corps blessé du Christ avec une certaine sensualité grâce à un éclairage doux et feutré qui invite le spectateur dans l’intimité de ces statues de dévotion. La fascination de l’artiste pour les stigmates semble évidente, mais derrière les blessures du Christ c’est le corps d’un jeune homme que célèbre le photographe qui paraît poser par la même la question du sadomasochisme.
«Pendant que certains dorment, dans la nuit de Paris, les statues rêveuses vivent une deuxième vie».
La nuit, la réalité fait place à l’imaginaire et au fantastique dans les photographies de François Fontaine, qui proposent une vision inhabituelle des statues de la capitale.
Animaux et créatures fantastiques remplacent les badauds et animent la nuit parisienne. Les sculptures surgissant dans l’obscurité prennent forme humaine et réveillent nos peurs d’enfants. Le photographe, jouant avec la mise au point, sème le trouble. Le faune au sourire diabolique provoquant le spectateur du regard intrigue tant la sculpture semble humaine. Les plans sont toujours rapprochés, l’éclairage est parfaitement maîtrisé et les prises de vue savamment étudiées toujours dans le même but: faire vibrer les sculptures.
Un éléphant déployant sa trompe, un cheval se braquant en furie ou encore un personnage frêle et énigmatique éveillant la curiosité sont autant de protagonistes qui peuplent l’univers fantasmagorique du photographe. Avec Rêve de statues, François Fontaine redonne vie aux créatures qui jadis ont inspiré les sculptures et qui gardent jalousement leur secret.
François Fontaine
— Les christs de Salvador de Bahia, 2004.
— Rêves de statues, 2006-2007.
Publications
Gaël Teicher, François Fontaine : photographe, Ed. de l’Œil, Les carnets de la création, 2003.