François Fontaine
Statuaire
«Le carnaval battait son plein à Salvador de Bahia. Je décidais de me réfugier dans les lieux saints, calmes et inspirants, que m’offrait la ville. C’est là , au coeur des églises et musées d’art sacré, que je réalisais combien la figure du Christ était prégnante et incontournable dans ce pays qui chaque jour me bouleversait davantage.
A Salvador, ce sont les christs qui expriment le mieux le sentiment religieux exacerbé importé et imposé par la colonisation occidentale et la civilisation chrétienne. Jamais je n’avais vu, en Europe et dans les pays d’Amérique Latine où je m’étais rendu, un tel foisonnement de sculptures aussi réalistes et fascinantes.
Le dolorisme et le caractère sado-masochiste de ces objets religieux m’ont particulièrement troublé et je me suis attaché à les représenter tels qu’ils m’apparaissaient : des êtres de chair et de sang exhibant au grand jour leurs plaies physiques et mentales.
J’ai choisi de photographier ces christs, d’une intense présence charnelle, dans le respect des lumières qui les nimbaient et qui évoquaient pour moi celles du Siècle d’or espagnol et des caravagesques italiens. Ces christs, sanguinolents et sublimes, sont de toutes les tailles et de toutes les couleurs : en bois, en plâtre, en ivoire, en argent et en or.
Sculptés par de grands artistes, portugais ou étrangers, libres ou esclaves, ils sont toujours magnifiques : torturés ou saccagés mais solitaires et majestueux. Il se dégage de ces corps en souffrance une beauté tragique et une expression pathétique qui m’ont profondément marqué. Je savais qu’en immortalisant ces christs, c’était un peu de mes propres blessures que j’inscrivais sur la couche sensible de la pellicule.»
Rêves de statues
«Le jour, Paris est une ville remplie de personnages sages et immobiles. La nuit, ces corps durs et statiques bougent et vivent. Les innocentes figures qui jouent avec dignité leur rôle habituel de monuments parisiens se métamorphosent en une ribambelle d’étranges personnages.
Les lumières les transforment, les lueurs les maquillent et les ombres leur autorisent toutes les libertés. Dans le Paris nocturne et mystérieux, les statues vibrent, s’effleurent, se touchent et se poursuivent avec frénésie.
Faunes diaboliques, animaux fantastiques et corps humains en fusion sont devenus les nouveaux occupants de la ville. Enveloppés d’insondables et mystérieux halos de lumière, ces êtres de pierre et de bronze s’agitent autour de nous en réveillant nos peurs enfantines les plus profondes.
Cette étrange sarabande confère à la ville une dimension magique et surnaturelle qui fascine. Pendant que certains dorment, dans la nuit de Paris, les statues rêveuses vivent une deuxième vie.»
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par ——— sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Statuaire