Zineb Sedira
Sphipwreck : The Death of a Journey
Pour sa seconde exposition personnelle à la galerie, Zineb Sedira nous livre son dernier film et une nouvelle série d’images réalisées cet été en Mauritanie.
Middlesea (2008) se déroule avec la lenteur d’une rêverie, le temps d’un voyage en ferry entre Alger et Marseille. Un homme seul regarde la mer, comme hypnotisé par l’immensité de l’horizon.
Il erre, somnambule, dans les couloirs désertés de ce bateau fantôme. Tout sur le navire, le maillot blanc qui vole dans le vent, les petites flaques d’eau piégées dans les aspérités du pont, même le verre sur la table de bar, tout semble dire l’attente ; seul un son lancinant de vieille radio vient briser l’ennui.
Et le souvenir des arcades blanches du port se mêle aux vagues, et aux vrombissements du moteur.
L’homme aussi attend. Il attend comme toutes les générations de voyageurs qui l’ont précédé dans ce trajet ou d’autres, pleines d’espoirs pour une existence nouvelle et trop souvent déçues.
Il attend, comme les exilés qui rêvent de rentrer, tous les déracinés qui ne se consolent pas d’avoir dû quitter leur pays.
La mer défile, omniprésente ; chaque goutte salée porte en elle le poids de l’Histoire, mais aussi la promesse du renouveau.
La Méditerranée qui sépare est aussi celle qui lie. Alors que le bâtiment arrive enfin au port, des mains anonymes larguent les amarres.
Middlesea existe entre deux mers, entre deux eaux.
Il est tous les départs, et toutes les arrivées, tous les voyages.
Photographiée à quelques kilomètres de Nouadhibou en Mauritanie, la série de tirages et caissons lumineux « Shipwreck : The Death of a Journey » (2008) présente une autre facette, plus sombre, de l’idée de transit.
Nouadhibou est comme Alger, marquée par le rêve d’immigration, on y afflue de toute l’Afrique sub-saharienne en espérant embarquer vers les îles Canaries.
Comme toile de fond, une des décharges de bateaux les plus célèbres de la côte africaine occidentale ; une des seules au monde où les embarcations peuvent être abandonnées sans être démontées.
Les épaves gisent, entre mer et sable ; grands squelettes de rouille vomissant parfois sur la grève leurs marchandises devenues inutiles.
Sur la plage, des centaines de poissons, empoisonnés par les eaux maintenant toxiques, rappellent l’ampleur de la catastrophe écologique.
Dans cet océan de sable dalidien, d’absurdes mâts branlants se dressent comme des totems, et Batterie, l’ancien fort colonial français, n’est plus qu’un château de cartes, fouetté par les vents.
Il règne, dans ces clichés, une étrange solennité, la beauté grave et inquiétante d’un cimetière. A Nouadhibou, les rêves se vivent et se meurent.
Vernissage
Samedi 25 octobre. 19h-21h30.
critique
Sédira: Carcasses