Jorge Macchi
Spectrum
Personnalité majeure de la scène internationale de l’art contemporain Jorge Macchi développe depuis plus de 25 ans une œuvre ouverte à la fois rigoureuse et poétique. Elle associe des éléments à caractère formel avec des logiques propres à des haïkus visuels. Elle se situe à la croisée de problématiques associant des images relevant de la condensation ou du précipité du réel, des jeux d’ombres et de lumières, des dynamiques séquentielles et des effets de répétition qui viennent suspendre ou inverser les effets perceptifs ou signifiants. Elle joue d’émergence et de dissolution du récit dans des situations en deçà ou au delà du narratif.
Il y a chez lui un art d’inverser les perceptions qui vient troubler la vision convenue que l’on a du réel. Ces modifications de l’espace le font entrer dans le domaine de la fiction tant dans sa dimension illusionniste que dans ce qu’il implique d’un entre-deux entre rêve et réalité. Jorge Macchi corrode notre présent par l’intrusion dans le présent d’éléments du passé ou d’un futur fictif qui vont jusqu’à nous faire perdre les critères liés à la linéarité chronologique à laquelle nous sommes habitués. Les œuvres de Jorge Macchi ont souvent pour effet de produire un suspens qui déstabilise l’identité des choses, rend l’image incertaine et inquiétante. Il fait du monde un théâtre du doute et de la mélancolie. Le crime n’est pas loin des scènes qu’il donne à voir mais l’histoire s’est absentée. On est avant ou après le récit. C’est ce qui explique aussi l’usage qu’il fait de fragments d’images ou de films avec lesquels il pratique des collages visuels ou encore qu’il transforme par altération, séparation ou déconnexion entre le texte et les images, le son et les dialogues. Les images, le réel, l’environnement urbain, les signes de la société de consommation ou l’histoire de l’art sont comme des matériaux qu’il agence, associe ou confronte dans des effets de collision ou de déplacement qui jettent un doute sur l’identité des êtres, des situations et des objets.
Son œuvre touche autant au dessin, à la peinture et à la sculpture qu’à l’installation, au son ou à la vidéo. Le 19, Crac qui l’avait exposé une première fois en 2001 lui consacre ici la première exposition d’importance en France. Son œuvre se caractérise par un art de rendre énigmatiques et paradoxaux les choses, les images et les mots les plus banals ou anonymes.
Le titre «Spectrum» renvoie à la nature de l’exposition qui couvre un ensemble de production de l’artiste depuis plus de vingt ans. Mais il évoque aussi une constante dans l’œuvre de Jorge Macchi: la tendance qu’a le réel à s’y défaire, au caractère à la fois indiciel et fictif des signes qui la peuplent et au fait que chez lui l’ombre est comme le spectre de la forme, le signe de sa dissolution. Comme les spectres peuvent évoquer une réalité et des êtres disparus, son travail joue constamment sur une logique de la perte de consistance des choses, d’inversion de leurs qualités. Ses œuvres tendent à rendre équivoques leurs existences et leurs caractéristiques: entre le tangible et le diaphane, la pesanteur et l’immatériel, le réel et le fictif.
«Spectrum» est la première exposition à caractère rétrospectif de Jorge Macchi produite en France. Elle propose au public français de découvrir un ensemble d’œuvres majeures de l’artiste (vidéos, peintures, installations sculptures, œuvres sur papier). Cette sélection couvre près de vingt années de travail, allant d’œuvres conçues en 1992 (La flecha del Zenon) jusqu’aux peintures de la série Memoria externa (2013-2014) jamais montrées en France et en Europe.
Des vidéos récentes comme Here from Eternity ou Second côtoient d’autres plus anciennes comme Victima Serial ou Diaro Intimo, Streamline, Super 8 ou La flecha del Zenon. Seront également présentées quatre sculptures/installations de référence de l’artiste: Refraccion, Illuminacion, Pendulum et Bed and breakfast; ainsi que deux œuvres relevant de l’installation murale: Hôtel et Horizon. Des dessins et collages ainsi qu’un ensemble d’aquarelles des années 1990-2000 viennent compléter l’exposition.
Commissariat
Philippe Cyroulnik