Communiqué de presse
Gabor Ösz
Space Monochrome
Les questions intellectuelles entourant l’acte de regarder par la fenêtre me captivent depuis des années. Quand on se promène dans les rues d’Amsterdam, on n’échappe pas au spectacle omniprésent des fenêtres sans rideaux au rez-de-chaussée. La faculté de plonger le regard dans le salon d’inconnus produit une sensation bizarre. Alors que tout se passe dans une décontraction totale, la fenêtre continue à signaler une démarcation où le dedans et le dehors se reflètent l’un l’autre. Du coup, au lieu de se borner à observer une situation, le spectateur y participe concrètement. L’effet n’est pas moins étrange quand l’appartement en question est libéré et mis en vente.
La langue allemande établit un lien évident entre Raum (l’espace) et räumen (débarrasser). La perception physique de l’espace suggère aussi une représentation métaphorique de la vacuité. L’évacuation peut se concevoir comme une forme d’abstraction, aboutissant à une réduction ou un gain de place. À côté de sa signification phénoménologique, l’espace vide est le lieu géométrique de l’abstraction. Les appartements inoccupés deviennent des images mentales inscrites dans le périmètre du châssis de fenêtre. Leur photographie va dans le sens de la réalisation de tableaux.
Les vues prises à l’aide d’un appareil numérique exigent un format plus grand pour faciliter la perception physique de. Or, un agrandissement très poussé éparpille les pixels, créant des espaces blancs dénués de toute information. Afin de rendre visible la vacuité des pièces et l’inoccupation de l’espace, il faut éliminer le vide entre les pixels.
Il est possible de remplir cet espace vide en utilisant l’un des tout derniers gestionnaires de photo. On notera toutefois que, dans ce cas, nous n’avons pas affaire à un logiciel de traitement d’image permettant d’obtenir l’effet voulu par une série de manipulations : le programme se met en marche automatiquement dès qu’on appuie sur un bouton, sans autoriser la moindre intervention extérieure.
Grâce à une technique de «clonage», il reconstitue l’image à partir des pixels existants. Quand on a un agrandissement par dix, il arrive un moment où les pixels clonés sont plus nombreux que les originaux. Cela donne des images qui produisent un effet singulier à plus d’un égard, surtout parce qu’elles ressemblent étonnamment à des peintures ou des dessins traditionnels. Une analogie riche de sens s’instaure entre la photographie et les images qui la démultiplient.
Dans l’espace réel, les murs et les portes ne sont ni plus ni moins que des surfaces couvertes de peinture. C’est peut-être pour cette raison que l’image infographique d’une pièce peinte renvoie à la peinture.
Article sur l’exposition
Nous vous invitons à lire l’article rédigé par Nicolas Bauche sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Space Monochrome