Présentation
Jan Kopp, Tanguy Viel
Soulever le monde
Ce projet de livre prolonge celui réalisé en 2012, intitulé La courbe de la ritournelle, et édité par Filigranes. Ce dernier documente 4 grandes installations exposées au Frac Alsace, au Kunstraum de Dornbirn en Autriche et à l’Abbaye de Maubuisson, respectivement en 2008, 2010 et 2011.
Soulever le monde vise également une approche transversale du travail de Jan Kopp, développé dans le cas présent au cours des trois dernières années. Il s’attache aux trois constructions d’envergure réalisées au Centre d’art de La Criée en 2013 (Grand Ensemble), au Centre Pompidou en septembre 2014 (A 2000 mètres d’ici) et en 2015 (Soulever le Monde).
Il s’agit à chaque fois d’architectures précaires et libres, élaborées avec des matériaux prêtés ou récupérés, construites à plusieurs et vouées à disparaître. Grand Ensemble réunissait ainsi plusieurs centaines d’objets en forme de tige ou de baguette de métal, bois, plastic, etc. collectés auprès des habitants de la ville de Rennes et assemblés dans le centre d’art pour former une sorte de forêt perchée sur de longues béquilles.
«D’ailleurs je dois dire cela: quand j’ai vu l’exposition, quand je suis entré pour la première fois dans la grande salle, j’ai été soulagé de voir que les idées que j’avais eues au préalable tenaient le coup. Peut-être avais-je décidé qu’elles tiendraient. Peut-être ai-je plié mon regard sous elles, au prix d’une contorsion à moi-même invisible, mais peu importe, elles tenaient.
Par exemple, depuis le début je voulais faire quelque chose autour de la diversité des matériaux, autour de leur provenance surtout, puisque je savais cela aussi, qu’un homme dénommé Jan Kopp avait parcouru la ville, plus ou moins en courant, avant de se rendre compte que ce n’était pas facile de courir avec des tuyaux et des clubs de golf dans les mains, alors donc finalement il avait choisi de plutôt faire courir un bruit à sa place, bruit qui murmurait dans toute la ville qu’un homme toujours dénommé Jan Kopp recherchait des objets en forme de tige, de cinquante centimètres au moins, mais qu’à part cette contrainte de taille, ils pouvaient être de n’importe quelle matière, propres ou sales, neufs ou vieux, morceaux de bois ou de métal, naturels ou manufacturés, qu’il pouvait même venir les chercher avec une camionnette, et qu’ensuite il comptait assembler le tout dans un centre d’art, au centre ville.
Cette histoire de centre d’art et de centre ville était d’ailleurs une autre idée que j’avais notée dans mon carnet avec la mention “à développer”, quelque chose que je pensais construire autour de la géographie ou plutôt de la physique de l’art, problèmes de territoire et d’aimantation due à la force supposée centripète de l’œuvre, du désir d’œuvre, capable d’attirer à elle, dans sa demande même, tous les satellites de la périphérie, quelque chose comme un centre creux qu’on appellerait l’art, et qui, comme Saturne, serait capable de faire graviter autour de lui, en autant d’astéroïde, tous les matériaux de la ville. C’est ainsi que je me suis représenté l’arrivée des objets dans cette salle, comme soulevés par une force magnétique qui se serait glissée partout, dans les caves, dans les greniers, dans les friches de la ville, pouvoir télékinésique issu du cerveau d’un fakir soumettant les objets à sa volonté, au point de parvenir à les fixer là, dans l’équilibre troublant de leur suspension.»
Tanguy Viel
Sommaire
— Appréhender le monde autrement, par Patrice Chazottes
— Préface, par Patrice Chazottes
— Préface pour courir le monde ensemble, par Sophie Kaplan
— Explosante-fixe, par Tanguy Viel
— A la manoeuvre, par Tanguy Viel
— Oeuvres
— Remerciements
— Version anglaise