L’exposition « Soulèvements », au Jeu de Paume, s’intéresse aux mouvements collectifs de lutte et à leur représentation. Peintures, dessins, gravures, sculptures, installations, films, photographies et manuscrits d’écrivains sont autant de modes d’expression de la notion de soulèvement à travers les époques.
La représentation des mouvements de peuples
L’exposition concrétise le travail de recherche mené depuis plusieurs années par le philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman autour de la figure du soulèvement. L’enjeu de l’exposition est d’explorer la représentation (à la fois au sens politique et artistique) des mouvements de peuples. Pour cela, le parcours se divise en cinq parties pour former un itinéraire intuitif qui ne néglige pas les cas particuliers pour éviter toute généralisation.
La première partie, intitulée « Eléments (déchaînés) », illustre les affinités entre le soulèvement des éléments naturels et celui des foules humaines ou de l’individu. Gravures, romans, photographies, vidéo ou encore peinture mettent en perspective déchaînement des tempêtes et rébellion de l’imagination et du désir face à l’oppression. Intitulée Patriot, une photographie de Dennis Adams montre un sac plastique rouge s’envolant dans l’air vers un ciel d’un bleu lumineux. Une gravure de Francisco de Goya issue de la série Les Caprices matérialise par une énorme dalle semblable à une pierre tombale le poids qui s’abat sur l’humanité.
De Gustave Courbet à Annette Messager : le geste du soulèvement
« Gestes (intenses) » est le titre de la deuxième partie : celle-ci focalise l’attention sur le geste qui fonde le soulèvement. Des œuvres d’Antonin Artaud, Joseph Beuys, Michel Foucault, Germaine Krull, Annette Messager, Friedrich Nietzsche ou encore Willy Ronis illustrent le geste initial, qui est rejet de la soumission imposée et de la pesanteur qui inhibait l’action, mais aussi expression de l’espoir, de la résistance et de la volonté. Ainsi un dessin au fusain de Gustave Courbet met en valeur le geste triomphant d’un Révolutionnaire sur une barricade
Dans la troisième partie, les mots sont à l’honneur : ceux des poètes qui ont mené les insurrections par leurs livres mais aussi à travers les tracts, les journaux, les murs et jusqu’aux réseaux sociaux. Puis c’est la violence des conflits qui s’expose. Qu’il soit perçu comme chaotique ou propice à l’expression de la liberté, le soulèvement génère une violence qui est devenu un thème important des arts visuels de la peinture d’histoire moderne aux arts numériques en passant par la photographie et le cinéma. La lithographie Guerre civile d’Edouard Manet montre des corps gisant à terre derrière une barricade pendant la Commune de Paris. tandis qu’une estampe de Félix Vallotton, intitulée La Charge et réalisée en 1893, illustre l’assaut violent de forces de l’ordre contre des manifestants. Une photographie de Manuel Álvarez Bravo poursuit cette représentation de la répression des soulèvement en exposant le corps d’un Ouvrier en grève, assassiné, en 1934.
Soulèvements : le désir indestructible
Enfin, la dernière partie de l’exposition donne au désir le dernier mot, en tant que puissance capable de survivre aux forces de répression et à la mort même de ceux qui se sont soulevés. Joan Miró exprime dans son triptyque de peintures intitulé L’Espoir du condamné à mort le caractère indestructible du désir. Un cliché d’Eduardo Gil témoigne des « marches de résistance » des mères et grands-mères de disparus de la dictature à Buenos Aires, en 1982. Une vidéo de Maria Kourkouta suit le périple de migrants à la frontière gréco-macédonienne en 2016, traversant des paysages de boue et de grisaille en quête d’une vie meilleure.