En parallèle du Festival d’Avignon 2018, La Manufacture réserve un joli programme de danse. Avec, notamment, deux spectacles du chorégraphe Souhail Marchiche (Cie Dyptik). Dont Le Cri, création 2018. Pièce chorégraphique pour trois danseurs, Le Cri explore la chair des émotions. Sur scène, la scénographie de Thomas Collet déploie un décor sobre et efficace : un grand mur, infranchissable. Ciment ou béton armé, les murs servent autant d’obstacles que de caisses de résonance, réverbérant les bruits, les cris. Venus du hip-hop, les deux chorégraphes de la compagnie Dyptik, Souhail Marchiche et Mehdi Meghari, cultivent une danse vigoureuse et expressive. Une danse qui mêle énergies du break et du cirque contemporain, densité du théâtre des corps et tension frénétique des danses tribales. Pour Le Cri, la vibration circule ici par le corps des danseurs — Toufik Maadi, Lauren Lecrique et Mellina Boubetra.
Le Cri de Souhail Marchiche (Cie Dyptik) : pièce intense, pour trois danseurs
Le cri qui glace ; le cri qui soulage… Du blocage à la remise en mouvement, Le Cri résonne des tensions de la société contemporaine. Société qui multiplie les murs d’une part. Et Société d’informations en temps réel, d’autre part, où les connexions émotionnelles entre individus atteignent des densités considérables. Comme le note le chorégraphe Souhail Marchiche, les sentiments se bousculent et s’entrechoquent, de plus en plus vite et fort. Dans ce contexte où le pathos est passé au crible, ses mécanismes analysés, et sa valeur, y compris marchande, estimée, Le Cri prend ainsi les traits d’une expérience. Celle de corps, entre tensions et frustrations, pris en flagrant délire émotionnel. Avec, en filigrane, un trop-plein d’affects capable de couper le souffle, pour mieux se matérialiser en une danse convulsive, traversée par tous les cris contenus. Sur une musique électro-acoustique cadencée de Patrick De Oliveira.
Souffle coupé et gestuelles assourdissantes : la pulsation chorégraphique des émotions
Avec Le Cri, Souhail Marchiche cultive des émotions qui fuient leur devenir-objets de consommation. Préférant traquer le moment de pur présent, de parfaite coïncidence singulière. Vertige chorégraphique, en amont du spectacle les danseurs se sont d’abord dé-placés dans des situations physiques extrêmes. Au fil de laboratoires chorégraphiques mettant à l’épreuve leurs capacités de résistance, aussi bien aux douleur, fatigue, contrainte qu’à l’exaltation. Travail d’exaspération, Le Cri restitue à son tour un trio plein de cette tension, où les gestes crissent, comme la craie sur le sol. Dépense physique jalonnée de saccades et convulsions, la pièce scrute l’épuisement. Poussière de craie contre forteresse infranchissable, droit dans le mur, Le Cri rebondit, entre joies et peines. Au plus proche du réel, jusque dans l’ironie qui secoue les instants de lâcher prise — lorsque se percutent épuisement, absurde et fou-rire. Jusqu’au bout, et encore au-delà , Le Cri délivre une énergie carnavalesque.