Présentation
Anne Sauvageot
Sophie Calle. L’art caméléon
«J’aime Sophie Calle. Nous aimons, vous aimez Sophie Calle — à moins bien sûr qu’elle ne vous irrite ou ne vous agace trop. En toute réciprocité, Sophie Calle nous aime et vous aime puisqu’elle nous fait présent de son intimité.» — Anne Sauvageot
Sophie Calle se dit, se livre, se montre, s’affiche. Nous connaissons les couleurs de ses draps, de ses menus, de ses humeurs. Une telle exposition de soi sur la scène publique nous plongerait d’emblée dans la télé réalité si nous ne savions qu’elle est une artiste, et non des moindres : en témoigne le nombre d’expositions à son actif (on se souvient entre autres de la rétrospective «M’as-tu-vue» au Centre Pompidou, en 2003).
Entre roman-photo, journal intime, filature, confession, road-movie et autofiction, les textes, les photographies et les performances de Sophie Calle n’ont cessé d’emprunter aux mass media leur engouement spectaculaire pour l’intime. Sophie Calle nous ouvre les portes de sa vie privée, elle se montre et s’affiche.
Elle a exposé partout dans le monde : Tokyo, Hanovre, Helsinki, San Francisco, New York, Berlin… et la Biennale 2007 de Venise lui accordera la vedette. Mais suffit-il d’être une artiste, même reconnue, pour que s’opère la distinction entre création et consommation ? L’art intimiste dont elle a fait sa marque de fabrique, spectaculaire pour les uns, conceptuel pour d’autres — avec des emprunts revendiqués à Perec, Leiris, Chris Marker ou encore Baudrillard — se réduit-il à un air du temps ?
Les fantasmes de Sophie Calle sont-ils les siens ou ceux d’une époque, les pirouettes d’une artiste branchée ou les habiles détournements d’un art qui joue les caméléons avec son temps. Quel «art» en définitive Sophie Calle donne-t-elle à voir ? Au-delà du «cas Calle», abordé d’abord en zig-zag à travers un astucieux abécédaire (Amour, Boulevard, Chambre, Douleur, Ennui, Fantôme, Galerie, Hôtel, etc.), puis dans une brillante analyse qui dessine un portrait de l’artiste, c’est aussi toute la question des frontières incertaines et mouvantes de la «médiaculture» contemporaine qu’examine ici Anne Sauvageot avec brio.
Un livre sans photos ni images, un livre complice mais sans dévotion, un livre sur Sophie Calle, sans Sophie Calle et avec elle, de la première à la dernière page.
Anne Sauvageot est professeur de sociologie et chercheur au LISST, Université de Toulouse le Mirail. Elle a publié, entre autres, Voirs et savoirs. Esquisse d’une sociologie du regard (1994) et L’Épreuve des sens. De l’action sociale à la réalité virtuelle (2003), aux Puf, dans la collection «Sociologie d’aujourd’hui».