Consacrée par sa signature, l’œuvre annonce d’abord sa paternité avant d’offrir une proposition plastique. C’est à ce signe qu’elle doit à la fois d’être un original unique et un élément au sein d’un ensemble. La pièce est unique, mais elle s’emboîte au sein de l’œuvre d’un artiste: elle n’a de prix qu’à s’inscrire et s’identifier dans le champ artistique, elle prend sa valeur esthétique pleine et entière à condition de renvoyer au système qui l’authentifie et la singularise.
Reprenant le titre d’une exposition itinérante donnée en 1987 par Wilhem Schürman, les artistes réunis à la galerie Chantal Crousel poussent dans ses retranchements le mythe de la signature. L’ironie met à nu la confusion entre originalité et authenticité, entre singularité et répétition. On se plaît d’abord à reconnaître le travail d’un artiste, à suivre son évolution, à le distinguer et le rapprocher de ses pairs. Une fois inscrite au grand livre d’or de l’histoire de l’art, cette signature annonce la présence d’une œuvre.
Une installation de Claire Fontaine ouvre le jeu en démultipliant les perspectives: une rangée d’une centaine de briques est posée au sol, recouvertes de la couverture du pavé de Gilles Deleuze, Différence et Répétition. Le collectif-pseudonyme reprend ainsi un original de Carl Andre: là où ce pionnier de l’art minimaliste mettait à plat la verticalité de la sculpture, Claire Fontaine brise l’illusion de l’originalité absolue et de la singularité ex nihilo.
Tous font référence ici à des figures centrales de l’art, maillons importants d’une histoire dense et ramifiée. Mario Garcia Torres reprend le rêve de Bruce Nauman d’inscrire sa signature sur la surface de la lune: un signal lumineux esquisse des lettres vides, impuissantes à tracer un nom.
Rirkrit Tiravanija s’empare d’une œuvre en miroir de Robert Smithson pour lui tendre un reflet, déformé par un tas de riz à partager.
Les collectifs Claire Fontaine, Reena Spaulings et Bernadette Corporation, substituent à l’Empire State Building filmé par Andy Warhol, Imperio, son sosie mexicain. Le plan fixe de Warhol, qui durait huit heures, est raccourci en un film de huit minutes.
Sherrie Levine étend cette circulation des motifs au-delà du champ des arts plastiques, et s’empare d’un symbole de la répétition, le perroquet. Elle reproduit à douze exemplaires un perroquet en bronze, Loulou, en référence à celui adulé par l’héroïne d’Un Cœur Simple de Flaubert.
L’œuvre ne se distingue qu’à sa manière propre de reprendre un motif: ce geste de répétition l’inscrit dans le maillage d’une histoire tissée de reflets. En reprenant ici le motif même de la signature, les artistes s’emparent d’une prérogative inaliénable et adulée, interrogeant de plein fouet la paternité spécifique de l’œuvre.
Bernadette Corporation, Claire Fontaine, Reena Spaulings
— Imperio, 2007. Film transferred on DVD.Colour, no sound. 20 min 07.
Claire Fontaine
— Lever, 2007. 137 Firebricks and printpaper. 15 x 896 x 21,7 cm.
Mario Garcia Torres
— His Name As Though It Were, Written By A Flying Saucer, 2006. Black and — Today…(News from Kabul), 2006. Graphite on wall.
Dimensions variables.
Wade Guyton
— Untitled, 2007. Epson DURABrite inkjet on book page. 20,3 x 22,9 cm.
— Untitled (SE 22, blau, 41 cm), 2007. Epson DURABrite inkjet on book page. 20 x 19,1 cm.
— Untitled (88 79), 2007. Epson DURABrite inkjet on book page. 38,1 x 22,9 cm.
— Untitled (SE 38, blau, 31 cm), 2007. Epson DURABrite inkjet on book page. 19,1 x 20 cm.
— Untitled (77 71), 2007. Epson DURABrite inkjet on book page. 22,9 x 38,1 cm.
— Untitled (84 77), 2007. Epson DURABrite inkjet on book page. 22,9 x 38,1 cm.
— Untitled (89 81), 2007. Epson DURABrite inkjet on book page. 38,1 x 22,9 cm.
Sherrie Levine
— Loulou, 2004. Bronze. 30,5 x 15,2 x 20,3 cm.
Rirkrit Tiravanija
— Untitled (Rice Corner), 2007. Mirror glass, jasmine rice, plastic measuring cup. 90 x 90 x 90 cm.