Daniel Gustav Cramer, Latifa Echakhch, Sylvie Fanchon, Christian Marclay, Hugo Schuwer-Boss, Yann Sérandour, Xavier Veilhan
Solution de continuité
Le Frac Franche-Comté propose une nouvelle exposition intitulée «Solution de continuité» et invite le public à poursuivre la découverte de sa collection, en parallèle de l’exposition «Les Choses». Les œuvres rassemblées dans le cadre de cette exposition ont été, pour la plupart, récemment acquises par le Frac. Elles convoquent les notions de trace et de mémoire ainsi que leurs corollaires: la disparition ou l’absence, en privilégiant formellement intervalles, entre-deux ou lacunes.
Les peintures de Sylvie Fanchon sont élaborées à partir de contraintes qu’elle s’impose : la bichromie, l’absence de profondeur optique, la neutralité. Elle emprunte ses référents à des images trouvées dans le quotidien tels des plans, des logos ou des taches, bulles, éclats, issus de la bande dessinée. Ce qui l’intéresse dans ces motifs, c’est leur simplicité, leurs formes abstraites. Les deux tableaux présentés au Frac forment un diptyque. Ils appartiennent à la série des «Accrochages» et font précisément référence aux accrochages du XIXe siècle dans les musées des beaux-arts qui occupaient l’espace du sol au plafond. Ici l’artiste s’intéresse plus précisément aux traces que laissent les tableaux sur les murs une fois décrochés. Ces deux peintures sont semblables à des «positifs-négatifs» ou des «recto-verso» que l’artiste a choisi de présenter largement écartés. Une brèche est ainsi ménagée entre les deux tableaux comme pour souligner encore l’écart entre deux temporalités.
Christian Marclay, artiste suisse-américain, explore depuis plus de trente ans les liens entre son et arts plastiques en multipliant les pratiques. Mashup IV emprunte son titre à la musique pop et plus particulièrement à la pratique qui consiste à combiner deux ou plusieurs chansons pour en créer une nouvelle. Ce terme est également utilisé en informatique pour qualifier un site internet qui mélange des données issues de plusieurs sources. Ce diptyque, qui est un cyanotype (procédé photographique) présente l’empreinte sur un papier photosensible de la bande magnétique déroulée de deux cassettes-audio.
Pour son Paysage Fantôme n°5, Xavier Veilhan a procédé par soustraction. Au cours de la fabrication, la plaque d’aluminium préalablement laquée a été sablée mécaniquement pour produire une grille de pixels conçue auparavant par informatique. Ainsi naît — le sablage ôtant par endroits la couche de laque — le motif d’un paysage simplifié qu’on ne perçoit pas immédiatement mais qui évoque sans conteste les Falaises d’Etretat et de façon plus générale, la peinture impressionniste. La notion de discontinuité intéressait déjà les peintres à la fin du XIXe siècle. On peut citer l’exemple de Georges Seurat, véritable précurseur, dont les tableaux sont constitués de la juxtaposition de points de couleur.
Toutes les œuvres présentées ménagent en leur sein des vides, des blancs, des creux, des ruptures, ce qu’on appelle moins communément des solutions de continuité. Ainsi ces œuvres «ouvertes», dont la forme et le fond sont intrinsèquement liés, nécessitent la lecture active du spectateur. A lui de visualiser l’invisible, de combler les vides par l’imaginaire ou de trouver, à partir d’indices, ce qui a disparu. A lui de faire en sorte que chaque œuvre puisse au final advenir dans toute sa plénitude.