C’est un fait: le graffiti a rejoint les salles d’exposition et le marché de l’art. Et le débat est récurrent qui dénie toute authenticité aux démarches créatives des artistes qui quittent la pratique marginale pour le circuit officiel.
Du mouvement des années 90 à ses œuvres d’influence chinoise, le sujet de JonOne est sa signature mise en forme selon ses inspirations. JonOne-le-peintre a abandonné la bombe aérosol pour utiliser des matières comme la peinture à l’huile, l’acrylique, l’aquarelle, mais aussi le feutre, le stylo et le crayon de couleur, sur papier marouflé.
La galerie Magda Danyzs a réuni ses dernières toiles qui retracent l’évolution de sa peinture, d’où il ressort trois périodes.
La première série est plutôt inspirée des débuts, lorsque JonOne graffait dans la ville selon la technique du « freestyle» (technique très libre aux lettrages parfois illisibles). On retrouve le geste brut et spontané du graffeur. Au travers d’une superposition de couleurs vives et fluorescentes, on déchiffre les signatures JonOne, ou Jonoaks.
L’œuvre abstraite est composée d’aplats et de lignes; parfois les couleurs se mêlent sous l’effet de l’aquarelle diluée. On retrouve également la diffusion imprécise, les coulures et les tâches de peinture de la bombe aérosol. En réalité, JonOne mêle dans ces toiles une multitude de techniques et de styles du graffiti pour rendre les effets de volume, de profondeur et de mouvement, mais sans jamais employer la bombe.
Ces tableaux mettent l’accent sur l’esprit de vandalisme du graffiti. Les lettrages se superposent, sont alignés au cadre, ou épousent la forme des motifs, à la façon des graffes soumis aux contraintes de l’urgence et de la configuration du mobilier urbain.
La toile reste un espace de liberté où les graffitis se superposent de façon sauvage et aléatoire. Le trait spontané, les motifs fléchés ou étoilés témoignent de la démarche activiste du graffeur: l’expression, l’affirmation de sa vitalité et de son identité.
Les couleurs qui illuminaient le paysage urbain, confèrent à l’Å“uvre picturale de JonOne une esthétique proche d’un Kandinsky ou de la technique du monochrome.
Dans la deuxième série le style est plus épuré et plus structuré. Les signatures sont peintes en épais lettrages arrondis et alignés de façon à former un rectangle. Dans certaines Å“uvres, deux ou trois couleurs plutôt neutres (blanc, noir, argent ou violet) se répondent, dans d’autres, on retrouve les couleurs vives et fluorescentes. Le lettrage s’apparente à la calligraphie et prend ainsi un relief de façon à former un bloc constitué par la superposition des arabesques.
Ce bloc abstrait peut constituer en lui-même une signature, semblable à un idéogramme, la compression des multiples signatures formant un caractère unique.
C’est logiquement du côté de la calligraphie que l’œuvre s’épanouit, après le voyage en Chine que JonOne a effectué en 2009. Bien que toujours imprégnées du graphisme du taggeur (étoiles et flèches), ses signatures imitent le tracé des caractères chinois: le trait est moins rond, plus vertical. Les supports sont moins larges, et s’apparentent aux manuscrits de la lecture verticale. Les lettrages sont noirs ou blancs sur fond uni parsemé de bandes de feuilles d’argent. Influencé par le zen, JonOne a débarrassé son Å“uvre de son caractère brut et débordant au profit d’une esthétique épurée.
Quant aux sculptures exposées, elles sont en bois peint à l’acrylique, et relèvent du «block style» qui, dans le jargon du graffiti, désigne un graphisme en trois dimensions. Ces signatures sculptées en grand format occupent l’espace de façon imposante. Les flèches, les croix sont toujours présentes, les volumes ondulent, ou se croisent de façon rectiligne. L’urbanisme semble avoir inspiré ces sculptures abstraites: le mouvement et l’équilibre se rejoignent dans un esprit architectural contemporain. Certaines sculptures sont taggées, acquérant le double statut d’œuvre d’art et de support à la création libre.
En gardant un unique sujet, sa signature, le jeune peintre a déjà expérimenté des modes d’expression diversifiés. Faisant preuve de la richesse de son répertoire technique et de sa capacité à adapter le street art à divers univers créatifs.