Morgane Tschiember, Florian et Michaël Quistrebert
Soleil dans l’ombre
S’ils se concentrent sur la forme, c’est pour la malmener et la pervertir dans un travail de retournements et de réflexions sur un certain type de déclin.
Loin de toute fascination exclusive pour telle ou telle période de l’histoire de l’art, Florian et Michaël Quistrebert se plaisent à mettre sous tension le style, l’imagerie collective, pour contrarier la doxa de l’art.
Ils revisitent ici le constructivisme des années 1920 et les expérimentations formelles de Moholy-Nagy et nous livrent une oeuvre qualifiée par Jean-Max Colard de «rétrofuturiste» faisant soit l’objet d’un traitement obscurantiste, sombrant vers le noir et flirtant avec le gothique, soit l’objet d’un traitement psychédélique, adoptant des couleurs scintillantes aux allures ésotériques.
Utilisant dans leurs peintures et leurs vidéos la luminosité des avant-gardes tout en la traitant de manière déclinante, obscure et sibylline, Florian et Michaël Quistrebert cultive l’art d’un anachronisme antinomique et décadent entre paranoïa latente et clairvoyance cynique.
Multipliant techniques et protocoles dans une exploration assidue des codes et des standards de l’histoire de l’art, Morgane Tschiember interroge les ressources matérielles et conceptuelles de la sculpture tout en s’appliquant à étudier les relations intrinséquement architecturale entre surface
peinte, rapports colorés et espace.
Partant du principe, relevé par Le Corbusier, que certaines oeuvres sont créées dans le but de modifier le contexte dans lequel elles se trouvent et qu’il est par conséquent difficile d’intégrer de la peinture dans une architecture, et inversement, sans détruire l’une ou l’autre, Morgane Tschiember explore ces zones de tensions, voire de conflits entre l’oeuvre et le site.
Entre unspecific space et specific object, à mi-chemin entre la peinture et la sculpture, l’oeuvre en interroge le rapport. L’artiste s’amuse et s’attaque avec délectation à des matériaux complexes et des rendus imposant: verre, bois, métal, rien ne résiste aux recherches de la jeune plasticienne qui nous livre toujours une oeuvre sensuelle et espiègle, radicale et tranchante.
Son travail semble aspirer à cette unicité nouvelle de l’art et de la technique que les acteurs du Bauhaus appelaient de leur voeu. Cependant, en abordant la question de la multiplicité constitutive de l’architecture, l’artiste touche à une dimension à la fois poétique et politique de l’art en tentant de lui rendre l’esprit architectural qu’il avait perdu dans les salons.