Snake

Pour sa deuxième exposition personnelle à la galerie Baumet-Sultana, Sally Ross opte pour des sujets irrémédiablement pittoresques: des paysages finlandais dignes de jolies cartes postales sont peints sur de petits formats. Des lacs, des sapins, des sentiers qui se perdent dans la forêt, tous ces paisibles panoramas sont issus d’un livre de photographies des années cinquante.

Loin d’être pris pour des clichés, ces vues photographiques stimulent l’artiste parce qu’elles sont inédites: datant d’une époque révolue, elles confèrent une dimension temporelle aux tableaux. Dans un jeu de mise en abîme, les tableaux de Sally Ross figurent des traces du temps passé.

Et cette densité temporelle n’est pas qu’une entité abstraite: elle se voit par endroits. Les couleurs sursaturées dues à des techniques d’impression des années cinquante, sont un véritable terrain d’expérimentation pour l’artiste peintre. Sur l’un des tableaux, un sentier saumon s’enfonce dans une forêt touffue aux nombreux dégradés de verts. Pour rendre le jaune flamboyant d’un arbre feuillu, des taches lumineuses s’agglomèrent pour mieux scintiller sur le fond de la verdure sylvestre.

Plus à l’arrière-plan, les nuances subtiles et les dégradés d’un sapin résultent d’une technique évoquant l’impressionnisme et le pointillisme: des ensembles de points jaunes ou verts, de grosseur variable, forment des demi-cercles. S’ils sont très visibles de près, ils s’estompent au profit de l’aspect général du motif lorsque l’on s’éloigne.

Mais jamais complètement. Contrairement aux tableaux de Seurat, ces détails continuent d’exister à grande distance. Là réside l’intriguant paradoxe de ces paysages naïfs: chacun des tableaux ouvre sur un horizon, la mer, une berge lointaine, tandis que certains effets graphiques donnent la prédominance aux détails défigurant littéralement le paysage pour faire surgir la surface abstraite du tableau.

Quelle que soit la distance adoptée, le travail méticuleux des détails ressort: Sally Ross joue avec l’accommodation du regard du spectateur qui choisit son point de vue entre une composition abstraite et un paysage. Parfois même, on peut voir un effet «collage» tant s’affirme l’hétérogénéité de chacune des parties détaillées entre elles.

Ainsi, un chemin clair bordé d’arbres s’enfonce au loin, vers un ciel bleu et mauve. La lumière est celle du soleil couchant. Trois zones hétérogènes se distinguent clairement: des envolées de touches larges représentent le chemin, la surface est lisse. Les arbres sont des points noirs qui se détachent du fond, ces points épais sont palpables. Dernière zone: le ciel et ses nuages sont formés par des demi-cercles en points mauves ou bleus.

Le contraste violent des couleurs et des textures font de ce paysage un «tableau collage» où toutes les techniques se mêlent pour un curieux va-et-vient entre figuration et défiguration.

En contrepoint de ces paysages, un portrait de femme, celui d’une chouette et deux nus. L’ artiste utilise le même procédé en appliquant aux différentes zones du visage ou du corps des techniques diverses, du point au simple aplat.

La femme coiffée et habillée à la mode de l’ancien temps semble statique et artificielle, cachée derrière la multitude des détails picturaux minutieux. Un portrait étrange entre celui d’une femme au regard statique et d’un mannequin de cire. La proximité de la chouette aux yeux ronds et fascinants amène un drôle de mimétisme. La peinture minutieuse de Sally Ross ne cesse de déranger la facture traditionnelle des sujets archétypaux.

Å’uvres Sally Ross
— Untitled, 2007. Huile et pigments sur lin. 55 x 45 cm.
— Untitled, 2007. Huile et pigments sur lin. 45 x 55 cm.
— Untitled, 2007. Huile et pigments sur lin. 25 x 25 cm.
— Untitled, 2007. Huile et pigments sur lin. 45 x 55 cm.
— Untitled, 2007. Huile et pigments sur lin. 55 x 45 cm.
— Untitled, 2007. Huile et pigments sur lin. 55 x 45 cm.
— Untitled, 2007. Huile et pigments sur lin. 55 x 45 cm.
— Untitled, 2007. Huile et pigments sur lin. 45 x 55 cm.