Rolf Julius
Small Music
L’artiste allemand Rolf Julius a tout d’abord suivi une formation classique dans le domaine des Beaux-arts. A la fin des années 1970, il découvre petit à petit certains compositeurs contemporains (notamment La Monte Young à l’occasion de festivals ou à la radio) et s’engage plus avant dans des performances sonores qu’il réalise dans des parcs publics ou des contextes alternatifs. Ainsi, au début des années 1980, Rolf Julius met en place les bases d’un travail dans lequel l’espace sonore est privilégié: il explore de manière expérimentale les possibilités qu’offrent les techniques de diffusion du son, mais déjà (et ce sera une constante dans son attitude) les œuvres se développent dans un souci permanent de relation avec l’espace du monde, et avec la nature.
Les années 1983-1984 marquent un moment important dans la vie de Julius qui part vivre à New-York: il rencontre alors la plupart des artistes et compositeurs essentiels dans le domaine de l’avant-garde expérimentale, notamment John Cage mais aussi Takehisa Kosugi, qui restera pour lui un véritable maître. La fréquentation de toute cette époque d’effervescence intellectuelle et artistique aux Etats-Unis permet à Julius de confronter sa courte histoire personnelle à celle qui se développe outre-Atlantique depuis plus de vingt ans. Son œuvre n’est désormais plus isolée et elle trouve dès son retour en Europe une audience nouvelle.
Mais c’est au Japon que le travail va être très rapidement reconnu et accueilli avec enthousiasme: Rolf Julius y est régulièrement invité pour des concerts-performances et des expositions où il peut montrer ses dessins et ses sculptures. La relation avec le Japon n’est pas un hasard cependant: il y a dans le travail de Rolf Julius un extrême souci de précision formelle et d’élégance qui tient aussi à la place que le vide occupe dans les œuvres. Un lien évident avec la culture japonaise classique se retrouvera dans la manière d’intégrer des bols ou récipients de cuisine quotidiens comme diffuseurs sonores, mais surtout dans les nombreuses occasions d’installer ses «petites musiques» (Small Music est le titre du recueil de ses textes paru en Allemagne) dans des jardins traditionnels.
L’exposition «Small Music» aux Bains-Douches se compose de pièces inédites de Rolf Julius, mêlant dessins et sons, qui seront présentées par sa fille Maïja.
«J’ai longtemps réfléchi sur comment créer des espaces où l’on peut se retirer et y trouver du repos, où l’on peut voir, entendre et se concentrer, où l’on est coupé du monde extérieur tout en y participant. Ils doivent être simples, vides et créer une ambiance de silence, avec l’aide de l’art ou de la musique, ou les deux combinés.
Je cherche des endroits qui peuvent être cachées, dans des appartements privés, dans des bâtiments publics, qui peuvent être dans la cave, ou solitaires dans une forêt, près d’un lac, ou dans la ville bruyante. Ils doivent être éparpillés partout: à Berlin, où j’habite, à Tokyo, Los Angeles ou New York; le monde entier pourrait être couvert d’un réseau encore plus étroit de ces zones de calme, devenant des niches artistiques écologiques pour chacun.
On devrait y avoir accès à des moments précis et avoir le droit d’y entrer seul. Selon moi, le simple fait que des zones de tranquillité existent peut aider à calmer ce monde. Les lieux de quiétude ne sont pas nécessairement acoustiquement silencieux; ils peuvent, au contraire, être bruyants; ils sont donc tranquilles à une échelle différente.»