La MadeIn Company, société chinoise d’une vingtaine de salariés vouée «à la recherche des infinis possibles culturels» investit l’espace principal de la galerie. Créée en 2009 par l’artiste chinois Xu Zhen, cette organisation vise à dépasser les limites de la créativité individuelle pour investir différents champs de l’art contemporain et construire des œuvres dans une logique de commissariat d’expositions.
Leurs immenses toiles traitées en volume à l’aide de tissus, de broderies et de plumes sont des mondes foisonnants associant animaux, figures caricaturales et images d’époques diverses d’Occident ou d’Orient. L’enchevêtrement et la richesse des matières leur donne un haut potentiel décoratif. La mise en volume de certaines figures apporte également une présence physique et une profondeur de caractère théâtral. De l’ensemble se dégage une dimension ludique par le jeu des associations et l’utilisation des couleurs, dans un esprit grand-guignolesque qui leur donne une certaine saveur.
Si le discours affiché se veut démystificateur et ironique quant à un monde qui troque ses valeurs pour les transformer en objets de consommation et manipule le peuple grâce aux outils de la communication politique, il est difficile de l’appliquer aux œuvres que l’on a devant les yeux. Ou bien il faut alors considérer que l’utilisation des travers qu’ils dénoncent est leur manière de traduire cette ironie.
C’est plutôt la figure de l’artiste créateur et démiurge d’un monde singulier que la MadeIn Company remet en cause. En fonctionnant à la manière d’un bureau de design ou d’une agence de communication, en recyclant et combinant l’iconographie occidentale et orientale, en utilisant tous les codes de l’art contemporain et ses stratégies commerciales, ils synthétisent dans leurs créations une société marchande et mondialisée qui manipule des symboles vidés de leur sens.
S’il y a volonté de démystifier, c’est par la caricature du modèle, le regard humoristique sur notre société et les symboles du pouvoir. Leurs grandes sculptures en mousse polyuréthane expriment cette ironie vis-à -vis des symboles militaires en mettant en scène des soldats sous la forme brute de totems aux formes primitives. On les reconnaîtra à leur casquette, ridicule symbole de la fonction qui vient chapeauter ces formes massives d’un noir profond. La pauvreté du matériau et la sculpture sans grâce faite à la va-vite donne un sentiment de vacuité à cet attribut du pouvoir.
Barry X Ball
Matthew Barney/ Barry X Ball Dual-Dual Portrait
Tout à côté, dans le second espace de la galerie, on prend un virage à 180 degrés. L’œuvre unique de Barry X Ball est toute en finesse, en concentration et rigueur. La densité de ce quadruple portrait sculpté contraste avec la profusion d’ornementations des œuvres de la compagnie MadeIn.
Ici, le regardeur est invité à une contemplation méditative, à tourner autour du dispositif qui met en scène deux doubles visages en marbre, deux flèches d’empalement en acier inoxydable et une fine toile de câbles en acier qui maintient le tout en suspension. On reste admiratifs devant la recherche du détail et la précision du geste créateur, et l’on se dit qu’ici il est question de beauté, de terrible beauté, dans ce qu’elle peut avoir de fascinant et de terrifiant à la fois.
Par l’introduction de doubles grimaçant, l’artiste suspend le temps du beau au repos et introduit le trouble, la faille dans la finesse des surfaces travaillées du marbre, légèrement striées et ornées de motifs décoratifs qui se fondent dans la matière.
Å’uvres
— MadeIn Company, Warlod’s Family, 2011. Sculpture en mousse polyuréthane. 260 x 160 x 120 cm
— MadeIn Company, Dream Specimen, 2011. Collage sur toile. 280 x 195 cm
— MadeIn Company, Four Buddha’s warrior attendants, 2011. Sculpture en mousse polyuréthane. 200 x 50 x 50 cm
— MadeIn Company, Repeated Victory, 2011. Collage sur toile. 240 x 350 cm
— MadeIn Company, Faith, 2011. Sculpture, mousse de polyuréthane. 120 x 90 x 200 cm