David Brognon & Stéphanie Rollin
Sleeping in a City that Never Wakes up
«Sleeping in a City that Never Wakes up» est un titre qui sonne comme un avertissement: l’exposition des artistes David Brognon & Stéphanie Rollin plonge le Frac Poitou-Charentes dans une atmosphère nocturne, un univers dans lequel le temps semble suspendu. Jouant avec les doubles sens, multipliant les références, les œuvres maintiennent le visiteur dans une certaine ambiguïté où cohabitent récits individuels et conventions sociales.
Présent dans la collection du Frac depuis 2008, ce duo de jeunes artistes manipule un matériau sociétal brut, souvent marginal, dont les motifs récurrents sont l’enfermement et le contrôle. Des systèmes de confinement qu’ils confrontent à leurs propres systèmes de réfraction de la réalité, des prismes taillés pour faire jaillir de fugaces arcs-en-ciel minimalistes à la poésie acérée.
Les titres des pièces, souvent issus de références musicales, annoncent des récits d’addiction et d’aliénation qui sonnent comme d’interminables rengaines. Celle jouée par Devil-may-care, une œuvre sonore composée de disques microsillon, moulages réalisés à partir de cuillères de shoot fondues, répète inlassablement les logorrhées de psychiatres des années 1960. Telles des partitions qu’on ne peut modifier et frappant comme des éclairs, les lignes de destinée prélevées dans les mains de toxicomanes sont reproduites en néon dans l’œuvre Fate Will Tear Us Apart. L’œuvre nous interroge sur les choix que peut bien laisser la dépendance et sur l’existence d’un motif plastique commun dans la main de ces dépendants.
Il existe une fascination récurrente chez ces deux artistes pour les sillons tracés, les systèmes de rangement et d’enfermement. L’horloge 8m2 Loneliness (A130) s’arrête lorsque l’on rentre dans la salle, une ellipse qui résume et qui marque la vie carcérale. Tandis que dans la vidéo The Most Beautiful Attempt, un jeune garçon tente inlassablement de maintenir le tracé de lignes de sel dans les rayons du soleil qui se déplacent au sol. Captant ainsi l’espoir dans la candeur de son mouvement perpétuel pour rester dans la lumière coûte que coûte.
De nouvelles productions métaphoriques viennent compléter cet ensemble d’œuvres récentes à la matérialité dure et réfléchissante d’où jaillit, parfois de manière à peine perceptible, une allégorie du vécu. La série de photographies Famous People have no Stories, écho des lignes de destinée déjà abordées par le tandem, archivent méthodiquement la paume de main d’hommes statufiés par la gloire.
Les œuvres de David Brognon et Stéphanie Rollin mettent en tension permanente l’invisible et la lumière, l’intangible et le physique, des notions a priori opposées qui s’entremêlent toujours plus finement.