Franz West a-t-il pensé à Yves Klein et à sa Sculpture d’éponge bleue (1959), sorte de bronche aux alvéoles azur arrimée à une pierre brute, presque un parpaing, et dont la tige torsadée expose crânement la tête spongieuse au spectateur ? Car dans «Sit In», jolie invitation à s’asseoir confortablement dans l’une des chaises disposées à cette intention (les Clubfauteuils recouverts d’un tissu Salambo, ou les Uncle Chairs revisitant le mobilier de jardin en plastique), les œuvres exposées de l’Autrichien Franz West semblent obéir à l’ordonnance secrète d’un art brut dont la pauvreté doit beaucoup, à tort ou à raison, à Klein.
«Sit In» pourrait prendre des airs guindés de garden party pour happy few, une fête à la lassitude fitzgeraldienne posant son vague à l’âme en geste esthétique.
Au ruissellement harmonique d’eau (Liszt ne composa-t-il pas des Jeux d’eau à la villa d’Este ?), le plasticien préfère le clapotis dissonant qui naît de l’écoulement de sa fontaine en aluminium Peichl (2005), et dont le son à deux temps — celui clair du flux aqueux puis un bruit métallique —, résonne en écho dans la galerie Hussenot.
A première vue, les pièces de «Sit In» forment une forêt de monolithes, un peu à la manière des Météores en Grèce. Les sculptures monumentales — Blue (2006), installation au centre de laquelle des ampoules électriques bleues tombent juste au-dessus d’une chaise, fait quelques 236 sur 185 sur 222 cm, rien de moins —, pourraient être les restes d’un chantier, arrachés à un terrain vague ou un squat.
Le papier mâché, le plâtre et le métal s’irisent de taches de couleur bleues, jaunes, roses, des coulées irrégulières recouvrant la peau grêlée des œuvres. Sous le métal des Garden Pouf (2006), deux verges rose pâle et orange, palpite un flux turgescent, transformant les matériaux en organisme. Un érotisme brut de décoffrage. Les Météores ? Peut-être, finalement, le jardin des délices.