Passé le seuil de la galerie se remarque d’emblée une forme massive, ramassée, posée sur le sol. C’est un enfant géant, les yeux clos, comme empaqueté dans un kimono noir, tenant dans sa main à l’abandon un colifichet de perles colorées. Le bambin semble endormi mais une telle immobilité est équivoque et confère à l’atmosphère paisible du sommeil une teinte morbide.
La monstruosité de la taille dérange. A l’opposé des hommes et des femmes hyperréalistes du sculpteur Ron Mueck, qui jouent aussi sur des différences d’échelle mais dont l’attitude est réaliste, le mannequin de Virginie Barré, en introduisant des éléments narratifs incompréhensibles, ouvre des brèches à une possible incursion de la fiction dans le réel.
Virginie Barré met en place les ressorts d’une «inquiétante étrangeté» qui opère un déplacement du quotidien rassurant (l’enfant est assoupi) à un univers angoissant (est-il mort ?).
Son médium de prédilection reste le trait graphique, type bande dessinée, dont elle use pour raconter des histoires elliptiques et truffées d’incongruités scénaristiques rendant ses personnages quelque peu abscons.
«Simone» présente donc diverses scènes graphiques, évoquant la vie d’une famille lambda. Le manque de cohérence d’une vignette à l’autre ainsi que les causes des émois des personnages qui demeurent inexpliquées jettent le trouble.
D’autres tableaux graphiques ajoutent à l’ambiance onirique. À son habitude, Virginie Barré mélange les genres: certains tableaux représentent des femmes comme habillées par le Pierre Cardin des Sixties, d’autres des femmes parées de masques japonais du théâtre No.
Elle n’hésite pas non plus à convoquer les mythologies animales: aux murs sont suspendus des colifichets, mystérieux objets de perles et de laine, chacun présidés par un animal: tigre, âne ou lion.
Animaux-totems, ambivalence trouble des scènes de famille, distorsion des échelles, Virginie Barré use d’une esthétique chimère, hybride, qui toujours prend racine dans le réel.
De ces perturbations d’ordre visuel ou intellectuel sourd un danger latent, indéterminé et indéterminable, vacillant entre familiarité et étrangeté, plaçant le regardeur dans l’expectative…
Virginie Barré
— Simone, 2009. Marqueur et adhésif sur papier. 110 x 75 cm.
— Pièces, Jo, n, 2009. Marqueur et adhésif sur papier. 110 x 75 cm.
— Pièces, Jo, 2009. Marqueur et adhésif sur papier. 110 x 75 cm.
— Charade 3, 2009. Marqueur et adhésif sur papier. 110 x 75 cm.
— La Petite Ecole, 2009. Marqueur et adhésif sur papier. 110 x 75 cm.
— Composition, or, 2009. Techniques mixtes. 150 x 70 x 25 cm.