Avec SunBengSitting (2014), le chorégraphe, musicien et performeur Simon Mayer (Cie Kopf Hoch) livre un solo où se croisent quête d’identité et refus des conventions. Après avoir grandi dans la campagne agricole autrichienne, en 1997 Simon Mayer s’installe à Vienne, où il prend des cours de danse. Si le grand écart est en apparence fulgurant, dans les faits c’est aussi par la danse et la performance que Simon Mayer parcourt ces diverses influences. La pièce SunBengSitting conjugue ainsi Yodel (technique de chant autrichien, également connue sous le nom de tyrolienne), danse folklorique et danse contemporaine. Nu sur scène, Simon Mayer dépouille les rites hérités. Ceux de la culture paysanne autrichienne ; ceux de la culture viennoise artistique. Deux mondes qui se toisent souvent avec méfiance, sinon mépris, ici réunis en un seul corps, une seule performance. Et avec humour, Simon Mayer explore les tensions existant entre ces deux pôles.
SunBengSitting de Simon Mayer : une performance chorégraphique hors cadre
Le titre de la performance, SunBengSitting, est emprunté au haut-autrichien. Le Sunbeng désignant le banc placé au soleil, devant la ferme. Dans une autre performance, Sons of Sissy [Les fils de Sissi], Simon Mayer actualise également, mais avec trois autres musiciens et performeurs, les musiques et danses folkloriques autrichiennes. Une façon ludique de combler le fossé subsistant entre Vienne et le reste de l’Autriche. Cette rupture n’a par ailleurs rien de nouveau. Elle fait même partie de la tradition. Avec une Vienne cosmopolite, multiculturelle, urbanisée, intellectuelle et artistique. Située en marge d’un pays très attaché à ses traditions, sa propriété foncière, sa terre, son folklore et son hygiène de vie. Du moins était-ce ainsi que les auteurs du début de XXe siècle décrivaient déjà le hiatus entre l’Autriche et sa capitale. Une rupture que les Actionnistes viennois ont ensuite incarnée avec violence. Et qui se manifeste régulièrement au fil d’élections assez clivées.
Simon Mayer : l’improbable rencontre entre folklore autrichien et danse contemporaine
Dans ses performances, c’est avec humour que Simon Mayer s’empare de ce divorce largement consommé. Partant d’éléments culturels très situés (Yodel, folklore, cultures de niche…) SunBengSitting multiplie les allers-retours entre particulier et général. Brassant ainsi des questions de fossés entre villes et campagnes, patrie et pays étrangers, traditions locales et liberté artistique… Et plongeant dans sa double appartenance, sans renier ni l’une ni l’autre, Simon Mayer produit ainsi de drôles de performances en forme de gageure. Où l’ultra-contemporain se frotte à l’esprit traditionaliste. Ce faisant, Simon Mayer se met à son tour en marge des conventions et allégeances. À l’instar du titre, qui combine dialecte autrichien et anglicisme, dans un joyeux double barbarisme. Quête d’identité détournée, refusant toute gangue déterminisme, SunBengSitting ne sacrifie pas non plus le folklore sur l’autel de la moquerie. Puisqu’il en actualise des morceaux choisis, livrant ainsi un solo chorégraphique en forme, presque, de créolisation.