Silvia Bächli
Silvia Bächli
La Galerie Nelson-Freeman présente la quatrième exposition personnelle de Silvia Bächli.
Silvia Bächli explore depuis une trentaine d’années toutes les possibilités du dessin. Cette technique souple et immédiate lui permet de traduire plus intensément que tout autre médium la fugacité de l’instant. En prenant pour point de départ le corps et ses mouvements, Silvia Bächli investit tout ce qui est du domaine du ressenti. Elle met ainsi en évidence une réalité faite de fragments, de frôlements. Elle se désintéresse du grandiloquent pour privilégier les détails, le petit, l’infime. «Je cherche à flairer les traces des mots que l’on a sur le bout de la langue sans que l’on puisse les nommer exactement.»*
Son œuvre s’articule autour de thèmes et de motifs récurrents: lignes droites ou courbes, motifs en damier, extraits de textes, paysages, fragments de corps. Il n’y a cependant pas de volonté de figuration ou d’abstraction. «Des lignes croisées peuvent être des étoiles, des lignes de la paume de la main (…) Il est possible que l’on sente ressurgir le figuratif même s’il n’y a que peu de signes qui l’indique avec certitude.»*
Chez Silvia Bächli, le processus s’élabore en plusieurs temps. Celui de la création tout d’abord: elle produit une grande quantité de dessins, qu’elle réalise avec une palette de couleurs et de formes restreintes. Elle travaille principalement à la gouache, dans des tons de camaïeux de gris. Depuis peu, la couleur a également fait son apparition dans son œuvre. Imprégnée de ses séjours en Finlande et en Islande, l’artiste utilise exclusivement des couleurs qui évoquent les paysages scandinaves, des gammes chromatiques allant du bleu pâle aux couleurs terres. Ensuite, l’artiste opère une sélection parmi ses dessins. «Dessiner, c’est essayer, chercher, ramasser, jouer, rappeler, se souvenir, inventer. Puis, dans un deuxième temps, sélectionner, supprimer, vérifier.»* Vient enfin le temps de l’accrochage. Cette étape fait partie intégrante de son travail. Elle tient toujours compte de l’espace et de ses spécificités.
Les petits formats sont accrochés individuellement ou en ensemble. La distance entre les dessins est aussi importante que les œuvres elles-mêmes, jouant le même rôle que la ponctuation en poésie ou les pauses en musique. Depuis 1996, elle montre également ses dessins dans des tables-vitrines. Ce dispositif lui permet de créer des rapprochements entre les œuvres, des familles, des collections en fonction de la récurrence de certains motifs ou de la présence de certains liens ou, a contario, de certaines ruptures. «Les ensembles sont composés de multiples parties et ressemblent aux notations d’un chant grégorien. Ce sont des chants à plusieurs voix. II y a des simultanéités et des fusions, des pauses, des hordes, des échos. C’est la manière dont je conçois le monde: différentes strates qui se teintent mutuellement.»*
Pour cette nouvelle exposition, Silvia Bächli développe une série initiée en 2006. Il s’agit de grands formats qui donnent à voir une succession de lignes le plus souvent parallèles dans une grande variété de densité de gris et de noirs. Ni abstrait, ni figuratif, ce motif fonctionne à la manière d’un rideau qui s’interpose entre le regardeur et le plan de la feuille. Il se lit, comme souvent chez elle, de multiples manières: cheveux, racines, végétaux, coulures. Mais la lecture que l’on peut en avoir n’est pas le seul élément en jeu. Pour réaliser cette série, Silvia Bächli s’installe au sol au milieu de la feuille et trace au pinceau de longs traits sans pause ni reprise. C’est son corps qui est engagé ici; sa résistance, ses limites conditionnent le résultat. Il appartient ensuite au regardeur d’en reconstruire les mouvements.
Au côté de cette série, l’artiste expose de nouveaux dessins de petits et moyens formats exécutés dans une large gamme de gris ou en couleur. Ils présentent une grande diversité de facture allant d’une ligne fine et nerveuse à un trait plus épais et calme. Parmi ceux-ci, on trouve les motifs suivants : des parties de corps (parfois seulement esquissées), des arêtes d’objets, des perspectives architecturales tronquées, des éléments floraux ou végétaux.
* Extraits de l’entretien avec Silvia Bächli, Silvia Bächli. Sous les traits par Anaël Pigeat et J. Emil Sennewald, in Roven n°3, mars 2010, p.14-23.
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