A l’aide d’encre sumi et d’une pipette, Gilles Balmet dessine des courbes, des ellipses, des lignes droites. Puis, l’encre étant toujours à l’état liquide, il plie et incline le support afin d’obtenir des impressions en symétrie ou des coulures venant prolonger le dessin. Les Å“uvres présentent ainsi plusieurs axes de symétries à travers lesquels les lignes se répondent, se complètent et s’opposent.
A la manière des tests de Rorschach, certaines de ces Å“uvres sont largement ouvertes à l’interprétation des formes, et permettent ainsi d’assouvir le reflexe de rechercher de la symétrie dans les formes. Grâce à la maîtrise de l’encre et à la science des pliages, la grande toile Ink Map enregistre un foisonnement de lignes qui se développent de part et d’autre d’un même axe pour former une cartographie de l’inconnu.
La série Ink Mountain propose de manière analogue des paysages obtenus en plongeant des feuilles dans des bains d’encres. Durant l’immersion, les particules colorées rencontrent des difficultés à se déposer sur le support, glissent sur la surface pour ne laisser qu’un dépôt ténu et voluptueux. Ces œuvres représentent des horizons sans flore ni faune. Des paysages lunaires sur lesquels seuls les grains d’encres semblent former des nuées de poussières déboulant les dénivelés graphiques, amenant ainsi une dynamique évoquant l’action du vent et l’activité terrestre. Gilles Balmet naturalise ainsi l’abstraction. Tantôt sur feuille noire, tantôt sur feuille blanche, la série Ink Mountain revêt l’apparence de photographies. L’aspect réaliste de la photo relance la propension à apprécier ces paysages en tant que témoignages d’espaces existants.
Gilles Balmet crée des «hétérotopies»: concept par lequel Michel Foucault désigne comme un espace concret capable d’héberger de l’imaginaire, tels ces jardins figurés sur les tapis d’Orient dont la fonction est de rassembler leur sein la totalité des éléments du monde et d’inviter au voyage et le nourrir le mythe du tapis volant.
Les tableaux Ink Mountain composent ainsi des hétérotopies qui synthétisent une genèse de la création et projettent des horizons inconnus. A côté des hétérotopies, les photographies exposées figent des durées pour former des hétérochronies. Prises sous de longs temps d’exposition, elles enregistrent l’activité des néons d’une ville.
Par delà le hasard inhérent à sa pratique, Gilles Balmet sélectionne ses Å“uvres sur des critères d’harmonie. La représentation se heurte à l’abstraction, et abolit l’opposition entre le figuratif et l’abstrait. Les Å“uvres font à la fois référence à des réalités extérieures, et à des réalités virtuelles. Gilles Balmet reste figuratif jusque dans les titres de ses Å“uvres, tout en adoptant des modes opératoires mobilisant l’aléatoire et l’informel.
Ainsi Tsuba fait référence à de véritables tsubas japonais (garde du sabre), en reproduisant l’harmonie des éléments d’armurerie dans un dessin en symétrie où l’objet devient méconnaissable. Quant au titre de la série Les Nouveaux Territoires, il suggère la possibilité de créer de l’objectif dans l’abstraction. Comme dans les tableaux de Kandinsky, où le paysage n’est jamais loin de l’abstraction, Gilles Balmet approfondit l’indétermination qu’il persiste entre le réel et ses représentations.
Å’uvres
— Gilles Balmet, Silver Mountains, 2011. Peinture acrylique argenté sur papier. 70 x 100cm
— Gilles Balmet, Ink Mountains, 2011. Lavis d’encre de Chine et peinture acrylique à la bombe sur papier. 29,7 x 42 cm
— Gilles Balmet, Chemical landscape, 2009. Lavis d’encre et de peinture acrylique à la bombe sur papier. 70 x 100 cm
— Gilles Balmet, Waterfalls, 2010. Lavis d’encre sur papier. 70 x 100 cm
— Gilles Balmet, Waterfalls, 2010. Lavis d’encre sur papier. 70 x 100 cm
— Gilles Balmet, Les Nouveaux Territoires, 2011. Lavis d’encre sur toile. 195 x 130 cm
— Gilles Balmet, Les Nouveaux Territoires, 2011. Lavis d’encre sur toile. 190 x 300cm
— Gilles Balmet, Tokyo city lights, 2011. Photographie sous diassec contrecollée sur aluminium. 30 x 40 cm
— Gilles Balmet, Kyoto city lights, 2011. Photographie sous dassec contrecollée sur aluminium. 60 x 80cm
— Gilles Balmet, Pattern, 2007-20011. Photographie sous diassec contrecollée sur aluminium. 30 x 40 cm
— Gilles Balmet, Aura, 2010. Encre sumi sur papier japonais Washi. 36,3 x 49,5 cm
— Gilles Balmet, Rorschach,2010. Encre sumi sur papier japonais Washi. 49,6 x 36,4 cm
— Gilles Balmet, Tsuba, 2010. Encre sumi sur papier japonais Washi. 49,6 x 36,4 cm
— Gilles Balmet, Ink Map, 2011. Encre de Chine sur toile. 190 x 240 cm
— Gilles Balmet, Reliefs, 2010. Lavis d’encre de Chine et peinture acrylique à la bombe sur papier. 70 x 100 cm