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Sic vita

12 Juin - 15 Juil 2009
Vernissage le 11 Juin 2009

Lueurs figure dans un temps quasi réel, le flux des naissances et les morts, matérialisées dans l’espace par des lumières qui s’allument et s’éteignent. Lorsque le dispositif n’est plus capable de rendre compte du flux démographique, il subit une interruption soudaine, puis le cycle reprend.

Communiqué de presse
Stéfane Perraud
Sic vita

Lueurs, la première installation monumentale de Stéfane Perraud, a été montrée dans le cadre des Nuits Blanches 2008 à Saint-Germain l’Auxerrois et est présentée ici dans une version nouvelle.

L’oeuvre figure dans un temps quasi réel le flux des naissances et les morts, matérialisées dans l’espace par des lumières qui s’allument et s’éteignent dans un effet d’empilement horizontal. Lorsque le dispositif n’est plus capable de rendre compte du flux démographique, il subit une interruption soudaine, puis le cycle reprend.

Le mouvement prend ici la forme d’une dramaturgie double, celle du courant continu des lumières qui s’allument et s’éteignent, et celle de l’interruption provoquée par l’impasse de l’installation, sous la forme d’une interruption technique marquant la saturation du dispositif de représentation des arrivées et des départs.

Ainsi, Lueurs est d’abord une oeuvre du mouvement, comme les autres installations de Stéfane Perraud (Amoebe, les séries Simulte et Modifié, Solar, Blind Crash, Ecosystème). Plus encore, ce sont des travaux où la part narrative tient une place centrale : pas d’inertie ni de pétrification, mais une sensibilité au déplacement, qui introduit la possibilité d’une position dynamique pour le spectateur, d’un regard lui-même en mouvement.

Deux mouvements se trouvent ainsi confrontés: celui du dispositif lui-même, et celui du spectateur. C’est sur ce plan que se situe un lien possible entre les installations et les performances de Stéfane Perraud. Les performances Pas du tout et Temps réel explorent une communication placée au-delà le langage verbal, par une mise en scène du corps qui se trouve physiquement lié au dispositif technique par un système de capteurs.

La performance devient un échange entre le dispositif et le performer, sans que l’un prime sur l’autre. Ici, le mouvement conjoint du corps et du langage prend des formes bouclées, interrompues, amplifi ées, pendant que la progression dramaturgique de l’ensemble relève davantage de sauts d’un plateau à l’autre que d’une continuité linéaire.

Le dérèglement de la théâtralité dans les performances fait écho à l’irruption d’éléments de théâtralité du côté des installations, avec toujours la préoccupation de donner à voir et à ressentir quelque chose qui est de l’ordre du lien : lien entre les spectateurs et le dispositif de performance, lien entre diverses formes de données en temps réel et l’installation au sens spatial du terme. Et un thème qui ne s’efface jamais complètement : celui de la catastrophe, qu’il s’agit, selon les oeuvres, de prévenir ou de pressentir.

Les trois oeuvres présentées ici s’affichent comme des recherches sur le vivant : Lueurs, cycle des naissances et des décès pris à l’échelle d’une population entière, sur une durée très courte ; Modifié#2 Soja, qui établit un lien en temps réel entre des pousses de soja augmentées de diodes électroluminescentes (Leds) et le lieu dans lequel elles sont présentées ; Modifi é#3, enfin, qui occupe une place particulière dans l’ensemble, puisque l’oeuvre reprend le célèbre tableau Des Glaneuses de Millet, en l’amenant à un point limite, un point où l’oeuvre d’origine peut aussi bien apparaître ou disparaître dans la transposition digitale élaborée par l’artiste.

Les trois installations relèvent d’une volonté de se positionner dans la réalité politique et économique du monde, par le choix de matières artistiques singulières : d’une part la démographie, et de l’autre, deux plantes vivrières essentielles à l’alimentation humaine, le blé et le soja, elles-mêmes envisagées de manière très différente.

Le blé est en réalité bien plus absent que présent, puisqu’on ne fait que deviner le tableau de Millet derrière les codes affichés en toutes lettres. Millet fait donc penser à Des Glaneuses, mais à y regarder de plus près, le blé est déjà à peine représenté dans le tableau d’origine. Comme si la culture du blé, si présente dans notre imaginaire, ne pouvait pratiquement plus faire l’objet d’une représentation : il faut passer par un tableau très connu.

Et finalement, le passage à une forme digitale, qui donne à voir l’encodage de l’oeuvre sans que celle-ci soit tout à fait effacée, n’est que la dernière étape d’un processus de transformation du blé initié depuis les débuts mêmes de l’agriculture. De la révolution du néolithique aux Ogm, et des Glaneuses à Millet, c’est au fond une continuité qui se dégage, et pas une rupture.

Trafiquons les tableaux comme nous trafiquons le blé, qui n’a de toute façon pas d’autre forme que trafi quée. Le soja, lui, semble accessible à la représentation, puisqu’il nous est présenté, moulé dans une résine dentaire. Mais ce soja que nous avons sous les yeux, n’est-ce pas celui des généticiens, plus résistant aux maladies, dont les rendements sont plus élevés, devenu un puissant agent d’uniformisation des paysages et des techniques agricoles dans les pays où on le cultive ?

Le soja que nous propose Stéfane Perraud, niché dans des éprouvettes, se protège de nous. Perte de la diversité, perte de la matière picturale à travers l’encodage digital, perte des vies humaines, certes, mais sans l’idée d’un avant et d’un après. Ici, dans les écrins ciselés et angoissés de Stéfane Perraud, la chute ne fait que se poursuivre.

Vernissage
Jeudi 11 juin. 18h-22h.

Horaires
Du mardi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous.
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