Zong dé AN, Simon Costin, Maro Michalakakos, Patrick Neu, Nicola L, Claudia Schmacke, Marcus Tomlinson, Alberto Trucco…
Show-Room #4: fragile
Zong dé An par Stéphane Huchet
Y-a-t-il une vérité du papier? Ce serait son silence, la magie de son devenir sous l’action de la lumière qui dépose des ombres humides sous des objets apparemment inertes. Zong Dé An travaille ainsi une forme d’analogie avec la photographie. Ses toiles et ses grands espaces blancs au sol évoquent les photogrammes, pellicules ou négatifs sensibles sur lesquels s’impriment les stigmates de la lumière sans l’intermédiaire d’un appareil.
Le Temps fait son oeuvre pour offrir à l’être l’espace accompli de sa métamorphose ultime. Cela se centre, comme sous les cercles de fer sujets à la rouille. C’est à trouver son centre que l’artiste (s’)installe (dans) la dimension de la patience du Temps. Féconde vacuité du Temps dans une soumission de la toile à une tension qui, déclarait Daniel Dezeuze dans un texte rédigé voici ving-cinq ans, verrait chaque support tendu faire signe vers le sacrifice chrétien et l’idée du « support comme chair…
Simon Costin par Véronique Missud-Jeansannetas
Les dessins au fusain présentés sont issus de l’exposition «Wishin’ and Hopin’» montrée en septembre 2000: des arbustes immergés dans une préparation chimique, un crâne offrant une substance bleue précieuse, des boules de cristal contournées de manière symbolique à la craie blanche traduisent les champs magnétiques de la galerie calculés suivant des vibrations émises par un pendule et retranscrites minutieusement sur un plan, cet ensemble formant une forêt dont les ramifications ne sont pas sans rappeler les méandres de notre inconscient…
Maro Michalakakos par Maya Blache
L’œuvre de Maro Michalakakos nous parle d’amour; ou plutôt nous questionne sur l’amour.
Par le jeu des textures contrastées: la chaleur du bois, la froideur de la lumière; le lisse, le rugueux, le plan, le hérissé; celui des formes: l’arrondi, le dressé; des couleurs: le rouge, le blanc, le doré, les déclinaisons du brun du solaire à l’archaïque ; des thèmes: l’agapé-réunion, désunion .
Son œuvre est incisive, à la mesure du «hors-cadre» où elle rase le velours au bistouri et où elle découpe la chair du bois pour y incruster le symbole. C’est une interrogation opiniâtre méthodique et sereine qui veut par la coupure interroger sur le lien et sa rupture, sur le conformisme névrotique qui rompt avec la pulsion et la laisse en jachère, sur le «tout humain» de l’Eros et sa coupure / castration: la différenciation sexuelle, sur l’amour jusqu’au démembrement, le don jusqu’au sacrifice.
Patrick Neu par Ami Barak
Sur fond de noir de fumée Patrick Neu s’exerce à reprendre avec un don incontestable et en miniature des images de référence de l’histoire de l’art.
Nicola L par Pierre Restany
Nicola L. vit à New York depuis 1980. Elle est devenue ce qu’elle dit d’elle-même «a New Yorker with a French accent». Elle se consacre à différentes formes artistiques comme la performance, l’écriture et le cinéma.
La vision de Nicola n’emprunte rien au folklore de la nature moderne. Elle n’échafaude aucune structure imaginaire. Elle taille dans la chair vive de nos sens. Elle nous invite à vivre, comme elle, au bout de notre peau. La démarche de Nicola nous émeut parce qu’elle nous concerne intimement.
In Un long voyage au bout de la peau par Bruxelles, 1968.
Claudia Schmacke
L’eau, le verre et la paraffine sont les matériaux privilégiés de Claudia Schmacke. Ses oeuvres amènent l’invisible à la visibilité ou à son intuition. elles accentuent un état en suspens entre l’apparition et la disparition. En sculpture, la paraffine, un sous-produit de l’industrie pétrolière, est utilisée comme technique intermédiaire pour le bronze coulé. Bien que teintée avec des pigments de couleurs diverses elle garde son caractère translucide. Cette matière lisse et rugueuse suggère une sensation de chaleur ainsi que de froideur, elle est solide et à la fois tendre, fragile et instable. Après le réchauffement, elle est coulée dans un moule et se solidifie. L’objet ainsi obtenu se présente dans ses contours bien déterminés, il se trouve alors dans un état «transitoire» dans la mesure où il peut être transformé à nouveau ou entièrement dissout. À côté, la transparence du verre paraît cristalline et définitive. L’installation « Réunion du conseil » se compose de vingt-quatre paires de bras moulés en paraffine en différents tons de vert, toujours le bras gauche tenant une pomme de terre, elle aussi en moulage. Seulement le spectateur attentif remarquera qu’il ne s’agit pas de vraies paires de bras constituées d’un bras droit et d’un bras gauche. Sa fonction évidente et quotidienne incite le spectateur à réfléchir à de nouvelles associations provoquées par cet aspect «en suspens» propres aux objets présentés.
Marcus Tomlinson par Nicolas Gerby
Photographe pour des magazines de mode anglais (The Face, Arena, Arena Homme Plus, Vogue, I-D), Marcus Tomlinson réalise des images pour des designers comme Koji Tatsuno ou Christian Lacroix. Les pièces photographiques présentées reprennent des prises de vues réalisées cette fois en des dispositifs plastiques qui visent, selon l’artiste, à magnifier sa vision singulière du modèle, faite le plus souvent d’une froideur réglée, et d’une économie d’un geste confinant à l’immobilité. Et cette grande fixité de la mise en scène va se trouver chaque fois indexée par un dispositif venant subtilement la contredire, comme pour mieux révéler la possible duplicité des ces visions trop univoques ou homogènes: ainsi de ce procédé d’image double et rainurée permettant l’apparition de plusieurs vues simultanées ou successives sur une même image, et qui racontent ici le conte instantané d’une fille au premier plan d’un pré et qui fait face à l’objectif.
Alberto Trucco Les travaux d’Alberto Trucco sont placés sous le signe de la «Condition Celée». Les oeuvres plastiques reposent sur une base critique proposant trois différentes directions: la figuration, l’espace, l’idée. Axes de pensée étroitement liés aux enjeux fondamentaux des arts plastiques, qui sont autant de domaines intellectuels et expressifs essentiels dans la recherche d’Alberto Trucco prenant pour objet ce que l’artiste nomme lui-même la «Condition Inexprimée». Celle-ci est censée rendre sensible chez l’homme toute la part à jamais inachevée, c’est-à -dire infiniment non-finie de son être. C’est là que réside l’idée d’un rapport entre la vie et la mort.