Par leur répétitivité, les machineries sont sans doute inhumaines, mais la visibilité de leurs infatigables mouvements indique la vie possible, tandis que les circuits électroniques, corps inertes qui dissimulent leurs actions, forment déjà des images fixes.
Sans doute sous les photographies, les peintures et les dessins de Raha Raissnia passent-ils de semblables flux, mais ils demeurent pareillement insensibles. Restreinte aux noirs et aux blancs, sa palette déplie ainsi les petits mondes cachés où les lignes forment de nouveaux cadres aux œuvres, des labyrinthes clos, des entrelacs brutaux et froids, une géométrie complexe qui paraît ignorer l’accidentel du monde, et dont pourtant on soupçonne qu’elle forme bien un monde ; étranger sans doute, mais comme toute étrangeté nous est un peu familière.
Ce rapprochement possible de l’inhumain et de l’humain, les marques de peintures, les rehauts de blanc le permettent. Pourtant, ce sont les peintures qui semblent les plus bloquées, les moins vivantes, paralysie à laquelle contribue le grand format des supports.
Néanmoins, c’est dans une petite huile sur toile qu’une silhouette apparaît, à demi gommée, mais courbes d’un corps tout de même, minuscule organisme prisonnier d’un monde raidi dont il ne mesure pas l’échelle qui le dépasse. Interruption, ce corps ne sert à rien, il entrave plutôt les courses des lignes qui, dans les autres œuvres, se poursuivent librement. Pourtant il est là , reste archéologique prisonnier d’un temps passé, embryon de futur, ou image du présent; image présente en fait.
L’architecture que dessinent les œuvres de Raha Raissnia expose donc un univers encore capable de comprendre l’humain, l’organique visible. Car la rigueur spatiale qui structure ses toiles n’est pas seulement une concentration menaçante, elle introduit aussi les rythmes d’une musique qui invite à la contemplation. Si l’on voit dans ces lignes celles d’une portée, alors on peut percevoir une rythmique qui n’est pas celle d’un monde inconnu, mais très proche. Si de surcroît, avec un peu de chance, le soleil pointe, alors on peut voir, depuis une l’ouverture d’une fenêtre, les arc-boutants, les raidisseurs, les encadrements des arcatures de la galerie Xippas et ceux, en contrebas, de la verrière de la galerie Yvon Lambert. Aperçus en fragment grâce à l’encadrement, toutes ces pièces de métal peintes en noir, par le contraste et le jeu des entrelacements, provoquent une image voisine des œuvres de Raha Raissnia que la vision précédente de celles-ci a rendu possible. Rapports d’un monde virtuel et fantasmatique, cette exposition-là tenait peut-être en fait de l’installation in situ.
Raha Raissnia
— Untitled, 2009. Tirage numérique sur papier Kodak satine. 39 x 61 cm
— Untitled, 2009. Tirage numérique sur papier Kodak satine. 39 x 61 cm
— Untitled, 2009. Huile sur toile. 152,5 x 178 cm
— Untitled, 2009. Huile sur toile. 152,5 x 178 cm
— Untitled, 2008. Collage, encre et graphite sur papier . 22,9 x 30,5 cm