DANSE | SPECTACLE

Seuls

19 Mar - 29 Mar 2013
Vernissage le 19 Mar 2013

Étape nouvelle dans le parcours d’un artiste habitué à de vastes fresques où se croisent les destins de nombreux personnages, Seuls est un monologue porté sur scène par l’auteur lui-même. Mémoire, origine, identité, la quête se prolonge mais ici, c’est vers ses propres racines que Wajdi Mouawad nous entraîne.

Wajdi Mouawad
Seuls

Il s’appelle Harwan. Libanais, il a fui avec sa famille son pays sous les bombes pour vivre en exil au Québec. Aujourd’hui, il travaille à une énorme thèse sur le metteur en scène Robert Lepage, monstre sacré du théâtre québécois. Seul dans son appartement, il rumine son passé et tente de faire le point. Il ne sait plus très bien où il en est. Déjà, il n’arrive pas à terminer sa thèse. Des questions se pressent en foule dans sa tête. Quelle mémoire lui reste-t-il de ses années libanaises, par exemple ? L’exil ne tendrait-il pas à effacer le souvenir de cette époque lointaine ?
Impossible de ne pas assimiler le héros de ce spectacle à son auteur, Wajdi Mouawad, avec lequel il partage beaucoup de points communs. Après le succès de la trilogie du Sang des promesses, Wajdi Mouawad a choisi de se mettre lui-même en scène seul sur le plateau dans ce spectacle polyphonique où interviennent des projections vidéo. Une création qui touche à la performance quand ce ne sont plus les mots mais le corps qui prend en charge la représentation.

par Hugues Le Tanneur

Dans ce spectacle, Wajdi Mouawad poursuit son chemin en ayant l’intuition qu’il est temps pour lui de se poser la question de ce qui advient à la langue maternelle lorsque tout se met à fonctionner à travers une autre langue, une langue apprise, monstrueusement acquise. Comment faire lorsque pour redevenir celui que l’on a été, il faut redevenir quelqu’un d’autre.
Cette étrange question étant intimement liée au corps, à la voix et à l’être, il ne pouvait être question d’un autre acteur qui pourrait témoigner pour l’auteur metteur en scène. L’auteur metteur en scène doit jouer à son tour, pour retrouver, dans le jeu, la ferveur des choses. On appelle cela un solo.

«Ce n’est pas le froid de l’hiver ni le manque de lumière. Ce n’est pas même l’ombre de la mort qui rôde, encore moins la conscience d’une catastrophe. Il n’y a, d’ailleurs, pas même une conscience. Il n’y a rien. Une forme léthargique d’indifférence. C’est imperceptible. Il suffit de peu. Une déviation d’un degré et les choses perdent leur saveur. Pourquoi se lever s’il faut bien se recoucher et pourquoi manger si c’est pour avoir encore faim et recommencer à manger et sans cesse chuter d’un geste vers un autre, éternel ressassement. Ce n’est rien. Un frémissement. Quelqu’un. Cela pourrait être n’importe qui et c’est bien là la douleur. Et c’est comme pour tout le monde qui, se réveillant chaque matin et se regardant dans la glace, pense : «cela pourrait être n’importe qui ». Et la vie, comme une énigme, joyeuse ou malheureuse, la vie engluée dans un temps trop linéaire, comme une flèche. Cela pourrait être n’importe qui. Il pourrait s’appeler n’importe comment. C’est ce que, du moins, il pense, lorsqu’on lui demande
son prénom: «comment vous appelez-vous?»
-Je m’appelle Harwan, mais ça n’a aucune importance et je pourrais bien m’appeler n’importe comment, comme n’importe qui. C’est comme ça.
Ce n’est rien.
Harwan, un étudiant montréalais d’une trentaine d’année, sur le point de soutenir sa thèse, se retrouve, suite à une série d’événements profondément banals, enfermé une nuit durant dans une des salles du Musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg. La nuit sera longue. Elle durera plus de deux mille ans et l’entraînera, sans qu’il ne puisse s’en douter une seconde, au chevet de sa langue maternelle oubliée il y a longtemps sous les couches profondes de tout ce qu’il y a de multiple en lui.
Je m’appelle Harwan.»

par Wajdi Mouawad

Texte, mise en scène et jeu: Wajdi Mouawad
Dramaturgie, écriture de thèse: Charlotte Farcet
Conseil artistique: François Ismert
Assistance à la mise en scène: Irène Afker
Suivi artistique en tournée: Alain Roy
Scénographie: Emmanuel Clolus
Éclairage: Éric Champoux
Costumes: Isabelle Larivière
Réalisation sonore: Michel Maurer
Musique originale: Michael Jon Fink
Réalisation vidéo: Dominique Daviet

Repères biographiques
Né en octobre 1968, l’auteur, metteur en scène et comédien Wajdi Mouawad a passé son enfance au Liban, son adolescence en France et ses années de jeune adulte au Québec avant de vivre en France aujourd’hui. Il obtient en 1991 le diplôme en interprétation de l’École nationale de théâtre du Canada à Montréal et codirige aussitôt avec la comédienne Isabelle Leblanc sa première compagnie, Théâtre Ô Parleur. En 2005, il crée les compagnies de création Abé Carré Cé Carré avec Emmanuel Schwartz au Québec et Au Carré de l’Hypoténuse en France.

Parallèlement, il prend en 2000 la direction artistique du Théâtre de Quat’Sous à Montréal pour quatre saisons. Associé avec sa compagnie française à l’Espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie, de 2008 à 2010, il est en 2009 l’artiste associé de la 63ème édition du Festival d’Avignon, où il propose le quatuor Le Sang des Promesses. Depuis septembre 2007, il est directeur artistique du Théâtre français du Centre national des Arts d’Ottawa. En septembre 2011, il devient artiste associé au Grand T – scène conventionnée Loire-Atlantique.

Sa carrière d’auteur et de metteur en scène s’amorce au sein du Théâtre Ô Parleur en portant au plateau ses propres textes: Partie de cache-cache entre deux Tchécoslovaques au début du siècle 1991, Journée de noces chez les Cromagnons 1994 et Willy Protagoras enferme dans les toilettes 1998, puis Ce n’est pas la manière qu’on se l’imagine que Claude et Jacqueline se sont rencontrés coécrit avec Estelle Clareton 2000.

C’est en 1997 qu’il effectue un virage en montant Littoral 1997 qu’il adapte et réalise au cinéma en 2005; expérience qu’il renouvelle avec Rêves 2000, puis Incendies 2003 qu’il recrée en russe au Théâtre Et Cetera de Moscou et Forêts 2006. En 2008, il écrit, met en scène et interprète Seuls. En 2009, il se consacre au quatuor Le Sang des Promesses, qui rassemble, en plus d’une nouvelle version de Littoral, les spectacles Incendies, Forêts et une création Ciels. Wajdi Mouawad propose en 2011 sa dernière création intitulée Temps. Il écrit également un récit pour enfants Pacamambo, un roman Visage retrouve, ainsi que des entretiens avec André Brassard: Je suis le méchant!

Comédien de formation, il interprète des rôles dans sept de ses propres spectacles, mais aussi sous la direction d’autres artistes comme Brigitte Haentjens dans Caligula d’Albert Camus 1993, Dominic Champagne dans Cabaret neiges noires 1992 ou Daniel Roussel dans Les Chaises d’Eugène Ionesco 1992. Plus récemment, il interprète Stepan Fedorov dans la pièce Les Justes de Camus mise en scène par Stanislas Nordey.

Parallèlement, il met en scène d’autres univers: Al Malja 1991 et L’Exil de son frère Naji Mouawad, Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Celine, Macbeth de Shakespeare 1992, Tu ne violeras pas de Edna Mazia 1995, Trainspotting de Irvine Welsh 1998, Œdipe Roi de Sophocle 1998, Disco Pigs de Enda Walsh 1999, Les Troyennes d’Euripide 1999, Lulu le chant souterrain de Frank Wedekind 2000, Reading Hebron de Jason Sherman 2000, Le Mouton et la baleine de Ahmed Ghazali 2001, Six personnages en quête d’auteur de Pirandello 2001, Manuscrit retrouvé à Saragosse opéra de Alexis Nouss 2001, Ma mère chien de Louise Bombardier 2005 et Les trois Sœurs de Tchekhov 2002 encore en tournée.

Il se consacre à porter au plateau les sept tragédies de Sophocle: après le premier opus Des femmes en 2011, viendront les créations Des 4 héros puis Des mourants.

Informations
Du 19 au 29 mars 2013 à 20h30
Relâche les 24 et 25 mars 2013
Durée: 2h
Salle Jean Vilar

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