Kalakuta Republik, du chorégraphe burkinabé Serge Aimé Coulibaly, puise sa force d’inspiration chez Fela Kuti. Musicien nigérian engagé, inventeur de l’afrobeat, ‘Kalakuta Republic’ est le nom qu’il avait donné à sa résidence. Une maison en banlieue de Lagos, mégalopole du Nigeria (21 millions d’habitants). Lieu de rencontres et parole, lieu contestataire auto-proclamé indépendant (en 1970), la Kalakuta Republic de Fela Kuti sert ici de point d’ancrage à la réflexion menée par Serge Aimé Coulibaly. Une réflexion axée sur la position de l’artiste dans la société. Avec la danse contemporaine comme véhicule expressif, Serge Aimé Coulibaly ne sert pas une biographie de Fela Kuti. Le spectacle réfléchit et prolonge plutôt la démarche engagée, et critique, du musicien et politicien corrosif. Avec sept danseurs, la chorégraphie de Serge Aimé Coulibaly mêle ainsi à sa contemporanéité des accents de déhanchées jazzy, des notes d’afrobeat. Tout en inventant son répertoire propre, son vocabulaire d’action.
Kalakuta Republik de serge Aimé Coulibaly : l’art et la politique, après Fela Kuti
La pièce Kalakuta Republik s’articule en deux parties. La scène prend les traits d’un grand loft. Avec canapé, chaises et murs en forme d’écrans de projection. Entre vaste espace luxueux et squat, se dresse ainsi un lieu de création, de débats. L’intérieur d’une Kalakuta Republic actualisée. Sur les rythmes de la musique de Fela Kuti, les danseurs s’emparent de la construction du politique, par la musique et l’art. Les projections confrontent la réflexion aux archives. Avec notamment des images de la maison détruite, après le très violent et meurtrier assaut de l’armée contre la résidence, en 1977. Comment, par la danse, penser la construction d’un leader aussi charismatique que Fela Kuti, avec la réponse répressive qui aura suivi ? La seconde partie de la pièce est en couleur. Couleurs vives et vigoureuses, bigarrées, avec une bande son hétérogène. À l’unité de la première partie fait suite une désynchronisation des trajectoires.
La danse comme outil de réflexion : quelle place pour l’artiste dans la cité ?
Mouvement de balancier entre l’éparpillement et le rassemblement, Kalakuta Republik pulse et explore la faculté fédératrice de l’art. Sur l’un des écrans apparait ainsi une phrase : « You Always Need a Poet » [On a toujours besoin d’un poète]. De Platon à la Kalakuta Republik de Serge Aimé Coulibaly, l’actualisation d’une question brûlante : la place des artistes dans la cité. Seulement, à l’époque de Platon, la population mondiale était estimée à 100 millions d’habitants. À peine cinq aires urbaines comme Lagos. Art de l’occupation de l’espace, la danse explore les interactions, les déplacements. Avec son spectacle, Serge Aimé Coulibaly n’apporte pas de réponses faciles, mais pose des questions complexes. Kalakuta Republik n’est pas un biopic musical de Fela Kuti. Kalakuta Republik est une réflexion chorégraphique sur l’impact de l’art dans la société urbaine globalisée. Avec la complicité musicale (electro, jazz et percussive) du compositeur Yvan Talbot.
Itinéraire du spectacle :
– Pôle-Sud, CDCN Strasbourg, dans le cadre du festival Extradanse, les 17 et 18 avril 2018.
– La Filature (Mulhouse), le 13 janvier 2018.