Pascal Pinaud aime jouer avec les contraires : le plein et le vide, la sobriété du noir et blanc et la luxuriance de la couleur, la rigueur des formes géométrique et la profusion des accumulations. Cette multiplicité des approches formelles tient à une volonté d’exploration de l’artiste et à un goût pour l’assemblage des formes.
Derrière cette apparente discordance des démarches, on distingue un fil rouge que l’artiste ne se lasse pas de tendre et de distendre. Depuis plus de vingt ans, il déconstruit le cadre de la peinture abstraite et utilise des matériaux industriels comme matière première de son art. Il confie avoir une fascination pour l’objet manufacturé et trouver une véritable satisfaction dans le fait de redonner une seconde vie aux objets. Pour lui, il s’agit de transformer la merde en or.
La série des Patères, recyclant des panneaux de placard et des découpes de verre d’un cuisiniste, offre un bel exemple de ce travail de récupération et de sublimation des matériaux. Utilisant leur forme et leur couleur, l’artiste les a assemblés par trois et les a pendus à une patère. Le résultat tient de la magie de l’art car Pinaud, grâce à ces surface lisses, colorées, souvent translucides et parfois miroitantes, donne naissance à des œuvres d’inspiration constructiviste en trois dimensions tout à fait originales, dans le prolongement d’un réflexion sur la peinture et son cadre initiée dans les années 60 par le groupe Support/Surface.
Cet art de l’assemblage et de la transformation, Pinaud l’exploite selon une vision épurée comme avec les Patères ou les sculptures Choc, ou bien dans une démarche accumulatrice comme dans l’Arbre à fèves. Dans cette dernière œuvre, il a recouvert un tronc en résine de plus de trois mètres de haut avec 20 481 fèves. Il a mis plus de cinq ans à les collecter, il voulait des fèves qui avaient une valeur d’usage, qui étaient passées par l’épreuve de la galette des rois.
Changer le point de vue, sortir du cadre, c’est aussi en travaillant sur l’espace qui entoure le tableau qu’il l’obtient. Dans la salle située à gauche de l’entrée, Pinaud met en place une saturation visuelle qui déstabilise le spectateur. Il a accroché aux murs trois grands tableaux réalisés à partir de toiles imprimées et de tissu décoratif. Des œuvres saturées de dessins dont il vient encore surcharger la vision en éparpillant tout autour une collection d’assiettes en porcelaine à motif bleu et blanc. Le spectateur est immergé dans un foisonnement psychédélique qui est tout juste rompu par une sculpture Choc toute de noir vêtue qui trône sur son socle, seule au milieu de cette salle vide mais dont les murs semblent vivre une overdose d’ornements.
Prendre des objets du banal, qui ont un vécu, et modifier leur statut donc le regard que l’on va porter sur eux, tel est le jeu avec le réel que nous propose l’artiste. Il pratique ainsi le décalage et fait cohabiter culture populaire et « grand art ».