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Senile Lines

PRaphaël Brunel
@12 Jan 2008

Pour son exposition de rentrée, Aline Vidal ouvre les portes de sa galerie à François Morellet qui propose, en esprit malin et un tantinet pervers, une confrontation entre la ligne et la bande, une relecture suggestive d’œuvres anciennes.

François Morellet est une figure majeure de l’abstraction géométrique, l’introducteur du néon dans l’art hexagonal, un inventeur invétéré de formes et de jeux, un oulipien de la peinture. En somme, et pour ce contenter de cette rapide énumération, il est un pilier historique du mouvement moderniste. A 81 ans, il est reconnu comme tel par un marché de l’art qui s’ouvre à lui et par des institutions muséales qui, cet été au Musée d’art moderne de la ville de Paris et cet hiver à Nantes, lui offrent une visibilité digne de son parcours.

Les expositions qui lui sont consacrées n’évoluent cependant pas dans le registre des rétrospectives, des hommages ou des florilèges qui conviennent tant aux défunts. François Morellet est bien en vie, toujours actif artistiquement, acteur de sa propre œuvre comme il l’a démontré au Musée d’art moderne de la ville de Paris en réactivant par le format des peintures des années 50. En réactualisant ou en agissant directement sur des créations déjà existantes, il devient son propre interprète et le producteur d’une œuvre toujours en mouvement. Ainsi l’histoire n’apparaît-elle jamais définitivement écrite.

A la Galerie Aline Vidal, une œuvre extraite de la série Strip-teasing traduit ses aspirations actuelles : la bande et la ligne, la première comme accroissement de la seconde et la seconde comme atrophie de la première. L’allusion sexuelle contenue dans le jeu de mot du titre (strip pour stripe, bande en anglais) se prolonge ainsi dans la confrontation entre un mince trait et une large pellicule de peinture au sein d’une même toile. Il recompose certaines toiles des années 70 obtenues à partir de π et par répartition aléatoire afin que lignes et bandes s’entrechoquent sur une même droite.

Avec Débandades, composition de quatre tableaux où les bandes se prolongent d’une toile à l’autre grâce à une ligne invisible, le titre de l’exposition, «Senile Lines», trouve pleinement son sens, évoquant autant l’âge de l’artiste, le déplacement de ses choix que, par le palindrome qu’il constitue, par sa lecture à double sens, le va-et-vient entre le passé et le présent qui caractérise actuellement la démarche de Morellet.

L’emploi du néon lui permet également de rendre compte de la dissolution de la forme tant géométrique que physique. Carrément décroché est constitué d’une toile blanche carrée encadrée par un néon bleu dont l’un des angles pend de manière confuse vers le sol, introduisant ainsi une rupture, une fissure dans la rigueur et l’automatisme géométrique.

En se jouant du systématisme et du formalisme, François Morellet insuffle à ses œuvres une relecture suggestive, un caractère autobiographique lié à l’âge. Alors sénile Morellet ?

 

François Morellet
— 4 trames hybrides (60°-150°, 80°-170°), 2007. Acrylique sur toile sur bois, blanc/rouge. 100 x 100 cm.
— Grotesque n°5, 1993. Acrylique sur toile , tube de néon rouge. 120 x 161 cm.
— Débandade sur la pointe n°1 (d’après π puissant n°5 de 2003), 2007. Acrylique sur toile sur bois, blanc/noir. 283 x 283 cm (4 toiles 100 x 100 cm).
— Carrément décroché n°1, 2007. Acrylique sur toile sur bois, 4 angles droits de néon blanc reliés les uns aux autres, 1 convertisseur électronique intégré. 170 x 141 cm (carré 100 x 100 cm sur la pointe).
— π éparpillant, 1= 45°, 2005. Sérigraphie sur alucobond, noir sur blanc. 90 x 90 cm sur la pointe.
— Strip-teasing sur la pointe – trames 15°-105°, 35°-125°, 65-15°, 2007. Acrylique sur toile sur bois. 212 x 212 cm (carré 150 x 150 cm).
— Reinforced concrete 20°-60°-60°, 2006. Fer à béton. 30 x 30 x 4 cm.
— Reinforced concrete 0°-10°-80, 2006. Fer à béton. 30 x 30 x 4 cm.
— Reinforced concrete 45°-55°-65°, 2006. Fer à béton. 30 x 30 x 4 cm.

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