Communiqué de presse
Jean Bedez, Davide Bertocchi, Laurent Chambert, Alois Godinat, Ingrid Luche, Arnaud Maguet, Pierre Malphettes, Samon Takahashi, Philippe Terrier-Hermann
Selector
Tel un random permanent du dispositif d’exposition, l’installation Mirror (2006) de Laurent Chambert (né en 1967) présente dans une vision morcelée et sans cesse renouvelée une lecture des oeuvres en présence. Parmi elles, celle de Pierre Malphettes (né en 1970), Trois Pierres (2006), extrait un élément du paysage dont le traitement en toile lamée redéfinit les frontières entre naturel et industriel.
Selon un même renversement entre espace intérieur et espace extérieur, Ingrid Luche (née en 1971) propose d’isoler un élément typologique de l’architecture urbaine des années 80 – un balcon – dans une sculpture minimale qui en traduit l’essence fonctionnelle. Reformant ainsi une extension d’espace habitable au sein même de la galerie, son œuvre Patricia (2004) aurait pu être inspirée d’un bâtiment standardisé tel qu’il apparaît dans la photographie Bankotel (2004) qui lui fait écho.
De son côté, Philippe Terrier-Hermann (né en 1970) oppose, avec Pride of Siam (2006), le modèle architectural d’un immeuble inachevé et désaffecté de la périphérie de Bangkok, vestige de la crise économique de 1997, à la construction récente d’un centre commercial luxueux dans la Thaïlande actuelle. Une mise en exergue de l’ambiguïté des choix économiques d’un pays qui trouve un certain retentissement dans la définition d’une nouvelle cartographie du monde proposée par l’artiste.
Dans ses œuvres The World of The Luxury Shop et The World of Luxury Hotel (2005), l’artiste redessine chaque pays par la sélection de variables économiques inattendues – celle du nombre de magasins de luxe ou encore d’hôtels de luxe sur un territoire donné. Dans cette nouvelle vision du monde, certains pays disparaissent de la carte tandis que d’autres viennent occuper un territoire plus vaste que celui déterminé par leurs réalités géographiques.
De même, European Dream (2007) de Jean Bedez (né en 1976) interroge la représentation identitaire d’une communauté – celle de l’union européenne – à travers son drapeau dont les douze étoiles, symbole de perfection, de plénitude et d’unité, viennent accueillir les traditionnels shuriken employés dans les arts martiaux japonais.
Le miroir de Laurent Chambert continue de tourner sur lui-même au sein de l’espace d’exposition nous renvoyant à l’image d’autres œuvres choisies… Cette fois-ci, les pièces présentées n’ont plus trait au paysage, à l’architecture ou plus largement à la représentation du monde qui nous entoure, mais à un tout autre registre, celui de la musique. Au-delà de référents culturels communément partagés, les artistes procèdent là encore par sélection, extraction, classification.
Pour sa pièce Sick of TV (2006), Davide Bertocchi (né en 1969) a sélectionné un de ses morceaux préférés dont le titre gravé dans du marbre apparaît tel un statement sur une œuvre sculpturale reprenant la forme exacte d’un vinyle 33 tours. Element de la série «Memorials», le disque devient objet d’une collection rassemblant vingt titres distincts dans un ensemble qui monumentalise les références musicales de l’artiste. Avec l’idée qu’un tel principe de sélection poserait en lui-même la question du choix esthétique lié à un certain état de la critique actuelle, Davide Bertocchi invite de même pour son programme «Top 100» des personnalités du monde de l’art à choisir leur morceau de musique préféré regroupé en compilations. Son tout dernier opus «Top 100 Volume 3» (2007) vient clore ce programme développé depuis 2003.
Toujours en référence à la musique, Teenage Lobotomy (2003) d’Arnaud Maguet (né en 1975) propose de faire revivre l’imagerie rock d’un des groupes favoris de l’artiste, les Ramones, auxquels il rend hommage dans des portraits sérigraphiés sur des miroirs reprenant le modèle du miroir de fan accroché dans les chambres d’adolescents. Avec son projet Girls are Weird, l’artiste développe également une collection de clips comme autant de portraits subjectifs. Dans de courtes séquences vidéo rassemblées les unes à la suite des autres, Arnaud Maguet juxtapose les identités fictionnelles de jeunes femmes filmées dans des actions simples et uniques. Cette collection, sans cesse augmentée depuis 2003, se développe à mesure que l’artiste réalise de nouveaux portraits, prétextes à une confrontation du réel aux clichés véhiculés par les médias et la culture pop.
L’idée même de collection, à travers ses modes de présentation et d’usage, semble définie d’une tout autre manière dans le travail de Samon Takahashi (né en 1970) qui, dans une poétique de l’absurde, met en péril les systèmes rationnels d’ordonnancement. Sa photographie A Rainbow in Curved Air (2006), issue de la série «Plunder Symphony», rend compte d’une méthode de classification de disques vinyles par analogie de couleurs, tandis que sa vidéo La Circonférence des oiseaux (2004) reprend la forme d’un essai de musicologie empirique dont la sélection d’extraits sonores s’organise par associations synesthésiques, morphologiques ou structurelles.
Certaines propositions d’Aloïs Godinat (né en 1978) relèvent elles aussi d’un processus d’extraction. Dans ses photographies Ge+ 2K, Corsinst ou encore Cacogegi (2005), l’artiste utilise les supports de communication d’événements culturels (art, théâtre, musique) qu’il décadre pour ne livrer de ces derniers qu’une vision partielle annulant l’énoncé initial.
D’autres modes opératoires – sélection, accumulation, agencement – semblent également définir la production d’Aloïs Godinat dont l’œuvre Sans titre (2007) explore la question de l’installation dans un geste modeste et minimal – ici, plusieurs exemplaires d’un même carton imprimé disposés sur un présentoir.
Au-delà de ces différentes pratiques artistiques relevant d’une approche de la postproduction, les artistes rassemblés pour l’exposition «Selector» interviendront également comme programmateurs d’événements spécifiques (conférence, concert, vidéo, etc.) organisés dans le Vidéo-Club de La Blanchisserie.Â