ART | CRITIQUE

Selections from Kandors

PSarah Ihler-Meyer
@21 Sep 2009

Connu pour ses performances sulfureuses en compagnie de Paul McCarthy, Mike Kelley présente en solo une série de pièces autour de Kandor, la ville natale de Superman. Aussi flashy que creuses, ces œuvres rappellent le Pop Art sans en avoir la portée. Du pompiérisme.

Parmi les supers héros Mike Kelley choisit ou, plus justement, aime Superman tant les raisons de ce choix sont absentes. Kandor, sa ville natale, est l’objet de toute une déclinaison sculpturale et picturale. Seul vestige de Krypton, planète en partie détruite, Kandor est conservé en miniature dans une bouteille en possession de Superman. C’est à partir de ce motif que s’articulent les différentes pièces ici présentées.

À côté d’une énorme bobonne de gaz rose et d’une gigantesque bouteille violette, trois sculptures en résine de couleur cyan, magenta et jaune représentent Kandor dans un style minimaliste (étonnant au milieu de cette fanfare de couleurs !). En effet, aucun détail ne se mêle aux formes géométriques de la cité perdue. Trois autres sculptures reproduisent à nouveau Kandor, mais cette fois-ci à l’état de ruine. Seuls les plus hauts buildings ont survécu à la destruction dans City 6 et City 15, tout s’est effondré dans City 5, mais l’ensemble reste flashy.

Walt Disney mire à l’horizon et c’est précisément sur ce point que pèchent les œuvres de Mike Kelley. Alors qu’il injectait de l’ombre dans des univers trop apprêtés pour être vrais, il exploite ici sans ironie ni réflexion l’un des mythes américains les plus ambigus. En effet, que penser d’un personnage qui entrave la Loi au nom de la Justice? Les couleurs suintent et les formes prolifèrent sans laisser percer la moindre once de sens, qu’il soit conceptuel ou sensible.

À ce vide intellectuel et sensible répond celui des écrans lumineux fixés aux murs. Chacun d’eux figure Kandor à l’intérieur d’un bocal dans le style de Roy Lichtenstein. Placés sur des fonds colorés, des bocaux bleus, roses ou jaunes sont cernés de noir et pixelisés comme pourraient l’être les personnages de cet artiste phare du Pop art.
Pourtant un fossé sépare ces deux créateurs. Selon Hal Foster, quand le Pop Art déleste l’image de tout sens, en rejette le signifié au profit du seul signifiant, c’est en écho au monde capitaliste où l’argent, équivalent universel, fluidifie la valeur de chaque chose. Pour sa part, quand Mike Kelley évacue tout sens de l’icône ce n’est pas pour faire signe, mais pour affirmer le vide par sa redondance.

«Toute la duplicité de l’art contemporain est là: revendiquer la nullité, l’insignifiance, le non-sens, viser la nullité alors qu’on est déjà nul». Face aux œuvres de Mike Kelley ces mots de Jean Baudrillard résonnent hélas cruellement.

Mike Kelley
— Kandor, 2007. Technique mixte.
— City (1-15), 2008. Bois et acrylique.
— Lenticular (1-4), 2007. Technique mixte.
— The Lugubrious pastel Joys of the Candy-Froth Dolphin Portal, 2007-2009. Technique mixte.

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