Jan Groover
Selected Works
Née en 1943 à Plainfield, dans l’état de New Jersey, Jan Groover abandonne la peinture abstraite au tournant des années 1970 pour expérimenter la photographie, médium dans lequel elle se sent plus libre, affranchie du sérieux qu’elle estime exigé d’un peintre.
Ses premières photographies portent l’empreinte du climat artistique de l’époque, renvoyant notamment au minimalisme, courant qui privilégie l’effacement du sujet et de l’Å“uvre au profit de sa relation avec l’espace et le spectateur.
Les bases du travail de Groover se mettent en place rapidement: une approche rigoureuse qui pose les fins et les moyens de la pratique. Groover exclut d’emblée la traditionnelle qualité de document attribuée instinctivement à la photographie, se propose de travailler en terme de relations entre les éléments constitutifs au sein d’une image, et entre des groupes d’images.
L’enjeu est de développer un vocabulaire spécifiquement photographique au moyen duquel sont conçues des images qui résistent à l’usure des regards successifs. Mais l’artiste avance à pas mesurés, mûrit lentement son travail et c’est à partir de 1975 que son Å“uvre acquiert une première visibilité.
Les polyptyques qu’elle expose dans des musées comme le San Francisco Moma, la Corcoran Gallery à Washington ou la George Eastman House à Rochester sont d’énigmatiques groupes de deux ou trois photographies en couleur de format conséquent, aux sujets d’apparence déroutante, proposant des espaces publics cadrés depuis un point fixe, traversés par des véhicules qui altèrent la composition des différents pans.
Comme une première mise en garde contre la transparence de l’image photographique, Groover incite à ne pas considérer ces abrupts paysages comme des points de vue sur le réel, mais en tant que jeu formel sur la structure de l’espace photographique et la capacité des images à se charger de nouveaux enjeux selon l’arrangement qui en est fait.
Un tournant décisif s’opère en 1978, quand l’artiste réalise ses premières photographies de natures mortes, genre qu’elle n’aura de cesse de revisiter tout au long d’une carrière de près de quarante ans, le portant à un niveau vertigineux.
Il est intéressant de noter que cette orientation s’effectue à contre courant d’un mouvement alors dominant à New York, connu sous le nom de Pictures Generation. Tandis que des artistes comme Richard Prince, Cindy Sherman ou Sherrie Levine s’emparent de l’imagerie populaire et la court-circuitent, dans une tentative qui prétend notamment s’extraire de l’histoire de la photographie, Jan Groover reprend cet héritage historique et le poursuit à sa manière.
Elle multiplie les emprunts explicites à des maîtres comme Edward Weston (les poivrons), Paul Outerbridge (les compostions en couleur avec des ustensiles de cuisine), Alfred Stieglitz (l’intérêt pour les corps et les visages), et aborde progressivement une grande diversité de genres photographiques, revenant invariablement à la nature morte mise en scène, comme un peintre à ses pinceaux.
La diversité des techniques employées au fil de cette épopée créatrice fournit de précieux repères pour suivre le développement artistique de Jan Groover. Mue par une exigence éthique de renouveler sa pratique quels qu’en soient les risques, elle prendra souvent le contrepied d’un élan précédent, comme lorsqu’elle délaisse momentanément la couleur vers 1980 pour expérimenter la technique du tirage au platine, considéré alors comme parfaitement anachronique.
Ou encore en décidant avec son mari le peintre et critique d’art Bruce Boice de s’installer en France en 1991, après avoir acheté un nouvel appareil de format panoramique, la camera de banquet, en vogue au début du XXème siècle. Son Å“uvre est alors présentée dans des institutions et galeries prestigieuses, comme le MoMA de New York qui lui consacre une exposition personnelle en 1987.
Ayant pris la nationalité française en 2005, Jan Groover a poursuivi avec une exigence admirable son expérience protéiforme du médium photographique et laisse derrière elle une œuvre dont la portée historique est indéniable.
Elle a toutefois été relativement confidentielle en France. La Galerie Paul Frèches est donc très honorée de lui rendre hommage et de contribuer à sa reconnaissance, notamment par des artistes des générations suivantes dont certains travaux portent, consciemment ou non, l’écho archétypal de l’Å“uvre de Jan Groover.
critique
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