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Sécurité minimum

 Il est certains pays du monde où art et politique sont intrinsèquement mêlés, et où toute manifestation artistique ne peut se départir d’une implication politique. Dans ces pays, notamment au Proche-Orient, en Amérique du Sud, ou en Chine, les artistes font de l’art un lien avec l’extérieur, un moyen de résistance et d’«autodéfense», une stratégie de transmission de messages politiques à envoyer au reste du monde.
 Pour ce faire, ils ont à choisir entre le témoignage du réel, usant du mode documentaire de l’art, ou le mode allégorique, plus complexe à appréhender pour le spectateur, mais dont l’impact est démultiplié.
 
 Du monde réel, certains artistes se sont détournés pour mieux en dénoncer les absurdités. C’est le cas de l’artiste d’origine péruvienne Jota Castro, ex-diplomate à l’ONU et juriste international, qui décida il y a une dizaine d’années de transformer son expérience du terrain politique en témoignage artistique.
 Dénonçant tour à tour la torture à Guantanamo ou les discriminations ethniques, l’artiste présente ici, à la manière d’un macabre trophée, un impressionnant collier formé de divers drapeaux occidentaux, dont celui des Nations Unies, auquel est suspendu, en guise de pendentif une machette, en référence au génocide rwandais.
 Des baskets «made in China» ficelées dans du fil barbelé (Tricky) dévoilent, quant à elles, l’ambivalence d’un pays, la Chine, à la fois État totalitaire et bientôt premier exportateur mondial de produits manufacturés.
 
 Sur un mode poétique, l’artiste palestinien Taysir Batniji évoque la nécessité de l’information dans une ville assiégée comme Gaza. Sky Over Gaza est composé de deux photographies d’une antenne télé, prises à trois ans d’intervalle: sur chacune, l’antenne, symbole de transmission de l’information, semble menacée par de lourds nuages sombres, rappel de la difficile communication des souffrances du peuple palestinien.
 Dans la vidéo Bruit de fond, l’artiste tente de contrôler son calme, perturbé par les détonations provenant de l’extérieur: la guerre surgit insidieusement dans le champ de l’image, par le biais du corps même de l’artiste.
 Autre exemple d’une stratégie d’autodéfense, l’installation Gaza journal intime #2 est une barricade constituée de valises remplies de sables, image forte de la contradiction entre la condition de réfugiés des Palestiniens et leur immobilité forcée.
 
 L’impressionnante installation D’un regard l’autre, par l’artiste équatorienne Estefania Peñafiel-Loaiza, que l’on avait découverte l’an passé dans l’exposition des diplômés de l’Ensba «Cadrage / Débordement», est un autre témoignage fort des non-dits de l’Histoire.
 Dans une salle sombre, un empilement de photos violemment éclairé du dessus, à la manière des salles d’interrogatoire. Ces images, multiples fractions de seconde, sont tirées du film La Bataille d’Alger, et montrent le regard magnifique d’une femme, résistante algérienne, puis sa progressive disparition.
 Estefania Peñafiel-Loaiza interprète ici avec une grande retenue la valeur des images et souligne, à l’instar de Jota Castro et Taysir Batniji, la fonction salvatrice de l’artiste engagé : révéler le réel et le rendre à l’Histoire.

Taysir Batniji
— Sky over Gaza. Photographie, diptyque.
— Gaza jounal intime # 2, 2008. Installation.
— Bruit de fond. Vidéo.

Jota Castro
— 1994. Drapeaux et machette.
— Tricky 1. Baskets made in China.
— Les barbares. Photographie sous diasec.
— Go. Ballons et cartouches.
 
Estafania Peñafiel-Loaiza
— D’un regard l’autre. Installation. 25000 images.
— Préface à une cartographie d’un pays imaginé. Installation vidéo.

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