Communiqué de presse
Taysir Batniji, Jota Castro, Estafania Peñafiel
Sécurité Minimum
Dans nombre de ses œuvres, Taysir Batniji, né à Gaza, témoigne des conditions de vie difficiles des Palestiniens. Il y dévoile l’intimité des habitants de la « plus grande prison à ciel ouvert », celle de ses proches et aussi la sienne. Le diptyque Sky over Gaza, montre une antenne de télévision, sur un fond de ciel nuageux. Deux vues prises à 3 ans d’intervalle, aussi identiques qu’anodines. Tel l’effet Koulechov, ces images trouvent leur interprétation dans leur succession, avec celle, subliminale mais déterminante, du photographe.
Dans sa vidéo Bruit de fond, on voit un plan fixe du visage de l’artiste qui tente de contrôler les clignements de ses yeux provoqués par des détonations. Un texte accompagne cette performance filmée, il s’agit des réponses d’un pilote israélien à une interview. Il y décrit un bombardement aérien et ce qu’il ressent quand il largue ses obus. Ces deux récits du conflit sont mécanisés volontairement, par le montage abrupt et saccadé d’un visage filmé en plan serré, et par des réponses rendues laconiques, dépassionées, par l’effacement des questions. D’un côté, un huis clos, de l’autre un monologue. Serait-ce une analyse de la situation israëlo-palestinienne… ?
L’installation Gaza, journal intime 2, présente un amas de valises remplies de sable, érigé en tranchée. Il y a une référence directe à la guerre et aussi à l’enlisement. L’artiste y mêle le désir d’évasion, mais aussi l’attachement à cette terre (à ce sable ?), cette terre qui est intransportable, ce sable sur lequel on ne peut rien construire.
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Jota Castro se définit comme un artiste-militant. De ses précédentes fonctions de diplomate à l’ONU, il garde le goût de l’observation et des analyses sans concessions, parfois cinglantes, de la société. Parlant de lui-même comme d’un « métèque », il revendique par cette mixité ethnique le droit d’embrasser toutes les causes. Pour parler du génocide rwandais, il montre 1994, un collier géant composé des drapeaux français, belges, américains, associé à ceux du Vatican et des Nations-Unies, avec une machette en guise de pendentif. Tel un bijou à pendre au cou de la diplomatie internationale…
Avec Les Barbares, il présente une manifestation de rue à la revendication désuète : « Français, soyez gentils au moins une fois par jour ». Ici, la dénomination de barbares s’entend au sens de ceux qui sont à l’extérieur de l’organisation politique (grecque). Cette photographie, placée sur une light box, fige une assemblée d’une vingtaine de personnes d’origine ethniques diverses, brandissant une banderole. L’acte de revendication est détourné, parodié, comme pour mettre en exergue le ridicule du racisme et de l’exclusion que peuvent subir les minorités en France.
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Estefania Penafiel est la benjamine de ce groupe. Originaire de l’Equateur, elle a vécu sur cette ligne imaginaire qui coupe l’humanité en deux. Ce fil, on le retrouve dans la série des Mirages, commencée en 2005 par une vidéo de l’horizon au large de la Havane, suivie par le dessin (invisible) d’un trait de gomme sur un mur. Le triptyque se clos en 2006, par une oeuvre sur la mémoire. Dans cette dernière proposition, l’artiste a travaillé avec des Arméniens et a listé des mots, des dates, des noms qui leur évoquaient le manque et le souvenir. Ceux-ci étaient alors marqués aux doigts sur une vitre, laissant une trace aussi réelle et immatérielle qu’un trait de gomme ou que l’horizon.
Dans l’installation D’un regard l’autre, l’artiste a imprimé 1000 fois le regard inquiet et figé d’une jeune femme qui fixe la caméra, l’espace d’une fraction de seconde. Cette 25e image, tirée du film La Bataille d’Alger, nous fait basculer de spectateur à témoin d’un conflit qui fait encore couler beaucoup d’encre. Pour l’artiste, il est facile de refouler un souvenir, il n’en est pas moins une trace de quelque chose qui a existé. La guerre, les génocides, la colonisation, les révolutions… Les œuvres fantomatiques d’Estefania Penafiel sont autant de lumières qui nous aident à (re)voir l’histoire.
critique
Sécurité minimum