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Secret Identities

Secret Identities, c’est une manière de dévoiler, de démasquer même considérant le contexte, les grandes figures de super-héros. Pas de voyeurisme cependant, pas de surprenante vérité jusque là dissimulée par le lustre de leur charisme naturel. Des super-héros comme ils sont, abordés par la finesse d’un repère visuel, juste de quoi évoquer les personnages, les faire surnager de nos souvenirs encombrés, les faire revivre ailleurs que sur les écrans de cinéma.

Sont-ils plus vrais sous le trait de Nicolas Malher? Là n’est pas le propos. Les identités secrètes actionnent la mécanique de la Madeleine Proustienne. Une couleur, une posture, un objet, un mouvement, un emblème: même grossières, même aléatoires, même inachevées, jetées en pâture sur la planche, les références fonctionnent. Elles parviennent à s’extirper du dessin.

Ce dessin qui, de prime abord, présente une abstraction de façade, un amoncellement de signes graphiques absorbant sur son passage la page nue. Nicolas Mahler n’installe pas de jeu fugace entre la forme et le vide, entre le dessin et le volume blanc qui l’accompagne. Pour minimalistes qu’elles soient, fermées voire même totalement arides à la première lecture, ses illustrations recèlent finalement une somme importante de possibles. A la manière des ombres chinoises, elles ne font que suggérer des intentions et arrimer dans les meilleures conditions l’esprit vagabond.

Et quoi de mieux pour stopper en plein vol cet esprit qu’un récit dans lequel les séquences sont connues d’avance? A tel point d’ailleurs que Mahler peut aisément se passer des histoires. La superposition des personnages suffit. Chacun occupe une page et son identité, parfois obscure, est révélée discrètement sur une table des matières glissée à la fin de l’ouvrage. Superman aux couleurs étoilées de l’Amérique, Spiderman et l’araignée floquée sur le torse, Daredevil appuyé sur une canne, Batman suggéré par un tas bleu nuit d’où s’échappe des petites protubérances triangulaires noires et pointues,…

S’agit-il pour l’auteur d’une reconquête de ces personnages surexposés par l’image télévisuelle ou cinématographique? Un hommage rendu à leurs signes universels, qui ont su, en quelques apparitions, s’imposer à la mémoire collective? Il y a probablement de cela chez lui. Mais il y a surtout le plaisir du détournement, l’exquise absurdité de ces signes exploités à l’extrême. Les 4 fantastiques évoqués par une boule de billard lancée à toute vitesse et portant le chiffre 4. Hulk, son corps vert et ses colères noires, ici illustrées par une forme oblongue. D’autres exemples comme ceci parcourt cet ouvrage discret, à la fois complètement idiot et terriblement subtil.

Nicolas Malher
Secret Identities, 2009. Editions de La Pastèque.

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