C’est une forme bien curieuse que nous donne à regarder Not Vital dans plusieurs de ses sculptures exposées à la galerie Thaddaeus Ropac: celle d’une langue de bœuf que l’artiste a achetée en 1985 dans une triperie de Carrare et qui est devenue, depuis cette date, un motif récurrent de son œuvre. Pourtant, cette source formelle est à peine identifiable, tant l’artiste l’a simplifiée au point de la rendre abstraite, avant de la transposer en des proportions qui l’éloignent de sa réalité originelle. Chaque sculpture décline le petit organe dans des dimensions écrasantes, comme pour le hisser au rang d’un totem.
Si Not Vital isole des formes du monde qui l’entoure, c’est pour les mettre à l’épreuve de la sculpture et questionner les notions qui sont traditionnellement attachées à ce médium (l’échelle, le matériau, la surface). C’est pourquoi ses œuvres peuvent être considérées comme des commentaires sur la sculpture, à l’instar de celles, plus monumentales, d’Anish Kapoor (Leviathan, 2011). Par exemple, avec un polygone dont le sommet est creusé par une cuve remplie d’eau, Not Vital joue sur des effets visuels contraires: l’opacité et la transparence, la brillance et la matité.
Etonnants et parfois inédits, les matériaux qu’il choisit méritent d’être soulignés. La plupart ont une finition extra lisse, polie ou lustrée, à laquelle le toucher de la main peut difficilement résister. De couleur naturelle, ils se déclinent en blanc ou en noir (avec le marbre et le plâtre), en miroir (avec l’argent et l’acier). Leur perfection technique, que l’artiste ambitionne en collaborant avec des artisans spécialisés, n’a d’égal que leur élégante noblesse.
Dans toutes ses œuvres, Not Vital semble avoir une prédilection pour les formes primordiales. Pour représenter la lune (Moon), il fabrique une grosse sphère qu’il pose à même le sol. La surface d’acier reflète tout l’espace alentour (ici celui de la galerie, peuplé de visiteurs et de sculptures).
Certains types d’architecture semblent être à la source des œuvres, qui fonctionnent alors comme des signes: un polygone trapézoïdal évoque la silhouette d’une construction inca. L’installation Sleeping Houses, composée de plusieurs formes coniques régulièrement espacées sur le sol et autour desquelles le spectateur peut déambuler, ressemble étrangement à un campement de tipis miniatures.
Piz Nair est un petit bloc de charbon, au relief accidenté. Sa forme et son titre se réfèrent à une montagne bien connue de l’artiste, qui vit en Suisse dans la Vallée des Grisons dont Piz Nair est le plus haut des sommets. La sculpture devient ainsi une sorte de résumé du paysage, comme si elle était capable d’en contenir toutes les forces, d’en restituer une vision miniature mais concentrée.
Cette conception de la sculpture est proche de l’esprit dans lequel les asiatiques envisagent les pratiques traditionnelles que sont le bonzaï, la peinture de paysage et même la calligraphie. L’influence de la philosophie chinoise sur le travail de Not Vital — qui séjourne régulièrement à Pékin depuis 2008 — est ici évidente. Et renforce le caractère magistral de son œuvre minimaliste.
Å’uvres
— Not Vital, Moon, 2011. Sculpture en acier. 170 cm de diam.
— Not Vital, Adam one afternoon, 2011. Sculpture en acier. 352 x 295 x 140 cm
— Not Vital, Piz Nair, 2011. Sculpture en acier et charbon. 180 x 80 x 50 cm.
— Not Vital, Sleeping Houses, 2011.
— Not Vital, Tour d’eau, 2011. Sculpture en marbre noir
— Not Vital, 385, 2011. Fibre de verre et savon. 310 x 85 x 88 cm