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Sculptures automatiques

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Avec ses Sculptures automatiques, le sculpteur devient un passeur d’ordre. Un simple scanne en 3D des personnes et des objets actionne un burin robotique qui réalise la pièce dans la matière, l’échelle et le coloris souhaité. Les œuvres sont des collages cubistes en volume. 

Après six ans d’absence dans une galerie parisienne, Xavier Veilhan revient avec «Sculptures automatiques». Contraint de changer de galerie après la retraite anticipée de Jennifer Flay, l’artiste expose pour la première fois chez son nouveau galeriste Emmanuel Perrotin.

Après avoir sillonné la France et ses institutions, après Beaubourg et le Musée d’Art moderne de Strasbourg, il quitte pour un instant l’espace public pour aller flirter avec le cadre privé.
Pour ce faire il a recyclé ses précédents travaux, présentés en fanfare dans les institutions, pour les remanier à une échelle domestique. Les œuvres sont les mêmes mais sont déclinées dans des matériaux différents et à des échelles plus petites.

Le public n’est plus le même, la cible change, et il faut pouvoir contenter le collectionneur soucieux d’acquérir la nouvelle coqueluche de l’art contemporain. Les mécènes privées doivent pouvoir toucher du doigt ce qui a été orchestré, scénographié dans des bâtiments gigantesques. Contrairement aux précédentes expositions, l’accent a été mis, comme le titre l’indique, sur les Sculptures automatiques. Cette série comporte pour l’instant vingt versions, sept d’entre elles sont actuellement exposées.

Chaque pièce a été scannée en 3D et a été sculptée par une machine-outil. Que ce soit les personnes ou les objets, tous sont passés par cette rayographie numérique. Le sculpteur enregistre les données et se contente de les transmettre aux techniciens et aux artisans spécialisés.

Rien de nouveau jusqu’à là. Comme les artistes conceptuels, Veilhan se contente d’être un donneur d’ordre, l’art est depuis longtemps cosa mental, selon la formule de Léonard de Vinci, il ne nécessite plus forcément l’implication de la main depuis le XXe siècle. L’écriture ici devient «automatique» et se traduit immédiatement par la création d’un volume.
Chef d’orchestre de ce «ballet mécanique», l’artiste emploie son talent à interroger sa production. Il joue sur la déclinaison plus que sur la création, sur le contrepoint plus que sur la rupture. La variation est élevée au rang de la réflexion.

Les sculptures sont «mécaniques» mais leur inspiration n’est pas robotisée. Les modèles façonnées par des bras mécaniques et des cerveaux électroniques sont tirés de la vie quotidienne de l’artiste.
Les proches deviennent des modèles utiles à la création de cet environnement qui se joue des formes et des tailles réelles. Bien qu’issues de la réalité, bien que modélisées à la perfection, au millimètre près, ces formes découpées par des instruments de haute précision échappent à leur statut de reproduction.

Scientifiquement parfaites ces sculptures s’éloignent de leurs référents. Elles puisent leur originalité et leur liberté dans les avancées techniques. Miroirs sans défauts, elles se tiennent pourtant loin de la réalité. Doubles en mousses polyuréthanes ou en bouleau contreplaqué, elles s’extraient de leur origine pour s’estomper à la rationalité. Difficile de tomber amoureux de ces Galatée —la légendaire statue vivante— tant elles semblent s’opposer à l’automatisation de leur création.

Dans le mythe de Pygmalion comme dans la haute technologie, le démiurge est dépossédé de sa création. Dans les deux cas, il est bien impuissant à donner vie à son idéal. Il faut l’aide d’Aphrodite pour que Galatée devienne vivante, il faut l’aide de professionnels pour que Veilhan fasse surgir ces modules à la fois proches et lointains.
C’est en cela que l’on peut le considérer comme un artiste «classique», et le croire quand il se définit ainsi. Éric Troncy rappelle que l’artiste a fréquenté l’atelier de sculpture de Baselitz. Le peintre allemand n’hésite pas à attaquer à la tronçonneuse des billes de bois. Plusieurs années après, Veilhan reproduit un geste tout aussi brut, mais mâtiné de nouvelles technologies.

Il ne faut pas tomber dans le miroir aux alouettes du numérique qui a tendance à brouiller les pistes et les discours. A l’ère de l’informatique toute puissante, l’artiste applique à la sculpture ce que le copier-coller est à la bureautique, un moyen simple et efficace de dupliquer à loisir des informations, il ne fait rien d’autre que ce qu’il a déjà fait en photographie, il poursuit son travail d’hybridation commencé il y a quelques années. 

Xavier Veilhan
— Le Lion, 2006. Polystyrène, structure métal, résine polyester. 180 x 296 x 100 cm
— Xavier, 2006. Polyuréthane. 152 x 52 x 48 cm.
— Debora, 2006. 134 x 77 x 67 cm.
— Sebastien, 2006. Aluminium, acier. 64 x 150 x 78 cm, socle: diam. 2 m.
— David, 2006. Bois lamellé-collé. 66 x 21 x 15 cm 

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