«De toutes les formes d’expressions artistiques qui ont traversé la création du XXe siècle, la sculpture semble être celle qui a subi le plus de bouleversements esthétiques» (Valérie Da Costa, Mouvement n°59). La galerie Loevenbruck, ne prétendant pas être exhaustive, présente un échantillon de ces bouleversements esthétiques.
Il y a d’abord les sculptures malicieuses, celles qui font tressaillir l’image du réel, déformant ses échelles, ses volumes, ses matières quelque peu, juste assez pour qu’émerge le doute. Ainsi celle de Bruno Peinado figurant un diffuseur de parfum — ce sapin que l’on accroche au rétroviseur des voitures — dix fois plus volumineux que la normale, sans odeur, suspendu, effrayant et inutile, au plafond de la galerie.
Au sol, deux fillettes parfaitement identiques, allongées, vêtues des mêmes vêtements de pluie ne laissant transparaître ni leur peau ni leur visage, se font face. Ce macabre jeu de miroir, œuvre de Virginie Barré, fait écho au palindrome visuel de Jean Dupuy: son Anacycle est un vélo dont chacune des extrémités se termine par un guidon. Escherien.
Il y a ensuite les sculptures fantomatiques, présences incertaines, qui matérialisent l’immatérialisable. L’artiste Werner Reiterer nous révèle ainsi «Où Dieu habite !». Ô déception, en lieu et place des cieux promis, le Créateur réside dans un immeuble quelconque. Seule preuve de sa divine présence, des rais de lumière filtrent par la fenêtre qui donne sur la rue.
Il y a également les sculptures pernicieuses, celles qui imitent parfaitement la réalité. Les propositions de Tony Matelli sont de cet ordre-là . Empilant canettes de bière et cartes à jouer, dans un faux désœuvrement qui est en contradiction avec le processus même de la création d’une œuvre d’art, Tony Matelli érige de malignes sculptures qui, indolentes, superficielles et fruits d’une banalité avouée, font semblant de jouer au réel. Alors qu’elles sont œuvres d’art, bien sûr.
Au mur, une boîte en carton est défoncée par un impact qui a l’air d’être la conséquence d’un violent coup. Et pan, un coup de poing dans le ready-made!
Enfin, il y a les sculptures qui sont expériences telle La Non-maison de Morgane Tschiember, ode à la marche et à la nature. Une maquette reconstitue le cube de dix mètres de haut, à l’architecture ouverte, au sein duquel des escaliers semblent tourner sans fin autour d’une végétation immense prise au piège dans la structure de bois.
«Sculptures»: l’inventaire est à poursuivre, pour sûr, mais les quelques représentants des différents genres sont d’ores et déjà fort alléchants.
Å’uvres
— Virginie Barré, Jean et Joan, 2011. Résine, vêtements, lest amovible. 28 x 104 cm x 50 cm chaque.
— Jean Dupuy, L’Anacycle, 2006.Techniques mixtes. 117 x 207 x 61 cm
— Jean Dupuy, L’Anacycle, 2006. Acrylique sur toile.159,5 x 114,5 cm
— Jean Dupuy, L’Anacycle, 2006. Gouache sur papier. 21 x 14,5 cm
— Werner Reiterer, Série «The Site Specific Mobiles», Where God Lives!, 2011. Techniques mixtes. 132,8 x 118 cm
— Werner Reiterer, Où Dieu habite!, 2011. Installation pour la Biennale de Montréal. Projecteur skybeamer, 2 panneaux, matériaux divers, dimensions variables en fonction du lieu et de la fenêtre.
— Asger Jorn, Contemplazione faticata, 1972. Bronze. 68 x 45 x 38 cm
— Tony Matelli, Yesterday, 2009. Bronze polychrome, canette de bière. 96 x 21 x 21 cm et 52.5 x 16 x 22 cm
— Tony Matelli, Yesterday, The Idiot, 2011. Inox, peinture. 28 x 20.3 x 50.8 cm chaque.
— Bruno Peinado, série «Flash Black», Sans titre, Strange Fruits, Arbre magique, 2004. Bois découpé, peinture ; 107 x 63 cm
— Alina Szapocznikow, Spolgloska (Consonne), 1962. Grès, bronze à la cire perdue. 45 x 52 x 25 cm
— Morgane Tschiember, La Non-maison, 2011. Maquette en bois. 52,5 x 52,5 x 47 cm (Projet proposé pour Vent des forets ; taille de réalisation : 10,60 x 10,60 m. Structure modulable).