School Spirit

— Éditeur : Dis Voir
— Collection : Collection Art (série Rencontres)
— Année : 2002
— Format : 16,50 X 21,50 cm
— Illustrations : 170
— Pages : 160
— Langues : français / anglais
— ISBN : 2-914563-12-4 (fr.) / 2-914563-07-8 (angl.)
— Prix : 25 €

Présentation

« Je m’appelle Kelly Harding. J’étais en première au lycée John Glenn, à Rancho Las Palmas, en Californie. Je suis morte le 14 avril 1984, jour de mon seizième anniversaire. Le ciel était couvert de nuages couleur cendre. À deux heures trente-six, heure du Pacifique, ces nuages ont été la dernière chose que j’ai vue; ils filaient vers le sud à partir de Los Angeles, pollués des gaz d’échappement de l’essence sans plomb, des ondes radio et des rêves morts.

Je suis morte pendant le cours de gym de l’après-midi. Nous jouions au foot et, après avoir fait une passe à ma copine Tracy, j’ai glissé et je suis tombée sur l’herbe boueuse; ma chute a provoqué une rupture d’anévrisme : un petit caillot de sang se baladait depuis un moment dans mon cerveau en attendant que je fasse un truc comme cette glissade et cette chute. J’étais déjà morte quand on m’a transportée dans le hall d’entrée du lycée; là, on a allongé mon corps sous une peinture murale qui représentait plusieurs ours casqués en train d’écraser de petits animaux — l’équipe de l’école s’appelait les Ours. La lumière jaune fluo qui tombait sur mon visage venait de la vitrine des trophées de l’équipe, mais comme je l’ai dit, à ce moment-là j’étais déjà morte. J’avais vu les nuages.

J’ai remarqué que les lycées sont devenus plus violents depuis ma mort. En 1984, je ne crois pas qu’un massacre aurait été possible, mais qui suis-je pour l’affirmer avec certitude ? Peut-être que des douzaines de massacres étaient sur le point de se produire, mais ils ont été étouffés dans l’œuf avant d’arriver — quelqu’un s’est dégonflé, ou bien des parents ont découvert des balles de flingue et des cartes des couloirs dans les poches de la doudoune de leur gamin et ils ont appelé les flics.

Les seuls gens vraiment intéressants au lycée sont les perdants et les ratés, car dès qu’on a quitté le lycée tout le monde se transforme en perdant, alors au moins ceux-là sont mieux préparés que les autres. Ça paraît très dur de dire une chose pareille, mais même à trente ans on finit toujours par déjeuner seul et le téléphone ne sonne pas le samedi soir. La vie est affaire de solitude. Même la mort est moins solitaire que la vie. »

Extrait du texte de Douglas Coupland
(traduit de l’américain par Brice Matthieussent)

Pierre Huyghe à décidé de rencontrer Douglas Coupland, auteur du best-seller Génération X en raison de l’influence que ce livre a eu sur sa génération et sur son œuvre. Le thème abordé avec Douglas Coupland concerne la construction des personnages, des modes narratifs basés sur le hasard et la dimension politique mise en jeu dans ce travail. Tous ces thèmes sont aussi des questions fondamentales dans le travail de Pierre Huyghe et dont l’échange avec Douglas Couplandest conçue comme une œuvre à part entière. Un livre « polaroid » comme un outil de repérage qui prend la forme d’un scénario ou d’un note book — dans ce temps de partage et de déambulation.

Tous les deux engagent leur pratique dans la construction de structure narrative opérant sur le décalage et la polyphonie.
Ils collaborent ici sur l’« esprit d’école » (School Spirit) conçu à partir d’annuaires de lycées américains. Une excursion à travers l’âme d’une étudiante morte et désincarnée, perdue à l’intérieur des mémoires et de l’infrastructure d’un lycée de Californie.
Pierre Huyghe a réalisé un montage photo en incluant des dédicaces d’étudiants puisées dans les annuaires et Douglas Coupland a écrit une fiction qui circule à travers les images.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Dis Voir)

Les auteurs
Pierre Huyghe, artiste français, s’attache dans son travail, à mettre en jeu des scénarios et des relations.
Douglas Coupland écrivain canadien de Génération X, Microserfs, Girl friend in a Coma, Toutes les familles sont psychotiques et d’autres romans qui ont défini les années 1990 nord-américaines.