L’exposition «Schizophrenic Portrait 1973-2009 (A Survey)» retrace l’itinéraire de Sam Samore depuis le début des années 1970.
Les images granuleuses, formelles, picturales, de l’artiste américain livrent une matière narrative fragmentée et dramatique. Le point de vue absolument cinématographique, et en plan très rapproché, coupent les corps, captent les épidermes, les bouches, les plissures de la peau, les froncements de sourcils, les yeux et leur pupille. Il en ressort une tension et des états d’inquiétude, tandis que le grain volontairement gros des photographies ressemble à des millions de flocons déposés sur l’image.
Les séries de photographies présentées à la galerie Anne de Villepoix et intitulées The Suicidist, Situations, The Sorcerers, Stories, Allegories of Beauty Incomplete, The Lovers, mettent en frottement réel et fiction, abstraction et figuration, mythologie et contemporanéité. L’image devient un potentiel fictionnel infini, un labyrinthe, le lieu de l’imaginaire et du fantasme. Et les protagonistes photographiés se transforment en héros tragiques, en silhouettes antiques, en stars de cinéma.
La série The Suicidist se compose de huit photographies en noir et blanc. Huit représentations du suicide dont l’acteur n’est autre que Sam Samore lui-même.
Huit histoires: homme gisant au pied d’un escalier (on suppose qu’il a chuté mortellement); homme allongé dans une chambre adolescente au décor seventies, un cordon téléphonique noué autour du cou; homme pendu par les pieds à la branche d’un arbre; homme étendu au bas d’un immeuble avec, au sol, une tâche colorée lui sortant de la tête; homme couché sur un billard avec un pied de pupitre enfoncé dans la bouche; homme sous une voiture.
Au-delà d’une imagerie morbide ce sont la mise en scène et l’artifice qui surgissent. L’artiste joue à . Et nous invite au sourire. Peu à peu l’élément central de la photographie (le suicidé) disparaît pour laisser place au décor, à l’environnement. Et une grande douceur jaillit. Comme déposés là , les corps reposent, flottent, volent. Dorment ?
La construction scénaristique est un élément central du langage photographique de Sam Samore que l’on retrouve dans la série The Sorcerers (Les Sorcières). Ici les femmes sont saisissantes et hitchcockiennes. Leurs expressions trahissent une anxiété et laissent présager le pire. Elles se cachent le visage, prient, attendent, et ne sont pas sans faire écho aux héroïnes de l’artiste Cindy Sherman, tant par les looks, perruques et tenues adoptées que par les postures et les couleurs.
Véritables tableaux photographiques, les images de Sam Samore sont des écrans, des zones de projection du désir, du cauchemar, du sensible. La surface de l’image devient une matière organique presque palpable. Théâtrale et cinématographique, l’œuvre de l’artiste américain met en frottement le mythe et le contemporain avec poésie et sensualité.
Sam Samore
— Allegories of Beauty Incomplete, 1996. photographies noir et blanc.
— Happy Expectation of Strangling, 2002. Pigments d’encre sur papier. 25 x 191 cm.
— The Blues, 2006. Photographies couleur.
— The Suicidist, 2003. Photographies noir et blanc.
— No Title #2, 2009. Gelatin silver print. 5 x 15 mm.
— Untitled (Sexy/Sly), 2009. Peinture sur chaussure. 2 chaussures, longueur: 26 cm, taille 37.